05/03/2012
Gilbert Bécaud, "la première idole"
Le baladin protéïforme
Mes mains dessinent dans le soir
La forme d'un espoir
Qui ressemble à ton corps
C'était au début des années 50, 1952-53, avant d'être catalogué comme référence énergétique du courant scénique électrique, Bécaud nous a fait rêver avec cette chanson d'une sensualité suggestive, « Mes mains » un peu auparavant il avait interprété une chanson plus sombre, chantée aussi par Edith Piaf, « Les croix «
Mon Dieu qu'il y en a des croix sur cette terre
Croix de fer, croix de bois, humbles croix familières
Petites croix d'argent pendues sur des poitrines
Vieilles croix des couvents perdues parmi les ruines
Et moi, pauvre de moi, j'ai ma croix dans la tête
Immense croix de plomb vaste comme l'amour
J'y accroche le vent, j'y retiens la tempête
J'y prolonge le soir et j'y cache le jour...
et il enflamme les bals avec « Quand tu danses.. »
Quand tu danses, danses, danses devant moi
Je sens mon coeur qui bat
Au rythme de tes pas
Quand tu danses, danses, danses devant moi
Je sens la vie, la vie qui va
Et je pense, pense, pense que jamais
Jamais tu ne devrais t'arrêter de danser
Alors danse, danses, danse devant moi
Je t'en supplie, n'arrête pas
Dans ma tête en feu
Je sens peu à peu
La folie qui m'envahit
Et me trouble les yeux
Et je ne vois plus
Que tes jambes nues
Sarabande de légende
Monde merveilleux
Tes yeux
D'emblée le jeune compositeur a trouvé une des très grandes plumes poétiques humanistes avec qui il fera un parcours exemplaire, Louis Amade. Et dès le début, Bécaud a sa quadrilla d'auteurs de haut vol, Amade, Aznavour, Delanoë, Vidalin qui vont lui donner une palette textuelle d'une richesse exceptionnelle. Le tout allié à son talent de compositeur et à celui de showman, voilà tous les éléments fondateurs d'une carrière hors du commun. La plupart des chroniqueurs situent l'explosion Bécaud avec l'Olympia 54, c'est un symbole fort, et un événement que Bruno Coquatrix a bien valorisé, mais je dois à mon oncle, Pierrot Grilli, (de Pierre-Bénite) musicien d'avoir découvert Bécaud avant 1954, merci tonton d'avoir donné à entendre à un gone de 10-11 ans « Quand tu danses » ou « C'était mon copain » une de ces chansons aux mots simples et forts, dans laquelle on perçoit, même à 11 ans, un drame sous jacent. Gilbert Bécaud a été en effet la première idole, et sans doute la seule à avoir une palette artistique aussi élargie. Quand il fait un spectacle-rétrospective de sa carrière, ce fut deux soirées alternées, Rouge et Bleu, une seule soirée n'aurait pas suffi.
Depuis les années de l'envol vers la gloire, le panorama des succès de Bécaud est impressionnant, et c'est surtout avec des formidables chansons-spectacles qu'il impose un flamboiement de rocker qui aurait intégré la poésie de Trénet, l'intuition scénique de Montand, et la richesse du pianiste de Varsovie. Personne n'a comme Bécaud construit ces chansons fresques qui vont de La vente aux enchères, à L'indien, en passant par La Corrida, avec des chemins de traverse poético-surréalistes, Croquemitoufle, et son chef d'oeuvre « L'Opéra d'Aran ». Qui a eu du mal à s'imposer, un chanteur de variété qui compose un opéra, c'est pas sérieux m'sieur-dames... Mais si Gershwin a dû attendre 60 ans pour que « Porgy and Bess » soit reconnu aux USA comme opéra, si Bechet a dû venir en France pour que son ballet « La nuit est une sorcière » soit créé, L'Opéra d'Aran a subi un purgatoire moins long, et les scènes du monde entier l'ont accueilli du vivant de l'auteur. Monsieur 100 000 volts, pourquoi pas ? Mais c'est plutôt 100 000 étoiles qu'il a semées dans le ciel de la chanson.
'BECAUD, la première idole' livre de Kitty Bécaud et Laurent Balandras, avec beaucoup de documents, manuscrits, photos, met en images ce parcours de vie d'un homme qui a tout vécu à fond, de François Silly à Gilbert Bécaud, c'est plusieurs vies qu'on découvre, qui n'ont pas commencé en 1954 avec un Olympia fracassant, c'est en 1944, quelque part dans les maquis de Haute Savoie qu'on trouve quelques uns des actes fondateurs de sa personnalité. Ce livre vous donnera envie d'en savoir plus, de réécouter ces moments formidables comme « la vente aux enchères » qui commence et se termine comme la folle complainte de Trénet, léger ou burlesque, puis grave ou tragique, avec la mort du héros, à vous de voir... Mais un héros qui meurt debout.
Last but not least, avec la mode des étiquettes qui sévit avec ses effets réducteurs, signalons que par quelques chansons Bécaud a été chanteur de gauche avec sa communiste Nathalie, chanteur de droite gaullo-réac avec « Tu le regretteras » peut-être monarchiste en fréquentant la cour d'Angleterre, et sans doute impérialiste US avec ses liens fréquents avec les Etats Unis. Insurgé, enragé avec « L'indien » cosmopolite avec « Mustapha Dupont ».
Donc un homme libre. Un baladin, qui a serpenté sur les routes, qui était-il dans son costume bleu, un funambule ou un elfe qui écoute et met dans son piano ses rythmes amoureux de la vie, comme un oiseau de toutes les couleurs.
Norbert Gabriel
Et moi au milieu
Qui ne sais pas très bien
Où sont enterrés mes aïeux
Et moi au milieu
Mon sang est-il rouge
Ou blanc ou bleu
P' t' êt' les trois, Mustapha
et ne ratez surtout pas sa vente aux enchères... avec Monsieur Pointu
http://www.youtube.com/watch?v=dlOwrH5HjOc
et le formidable 'L'indien'
sur un texte de Maurice Vidalin
http://www.dailymotion.com/video/x7buxy_gilbert-becaud-l-...
02:35 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (1) | Tags : becaud, chanson, idole, olympia | | | Facebook | Imprimer | |
29/02/2012
DJAZZERIES 4 Etymologies (suite)
Conversations avec Doc Caloweb
Depuis pas mal d'années, on glose sur l'origine du terme « Jazz » avec des variantes multiples, selon culture et sources, ça part dans des directions très différentes, consultons donc le Doc sur ce point linguistique et phonétique...
«... Ah ça en fait jaser cette histoire … Pour les gens du French Quarter, c'était « jaser » qui a donné jazz, ça se peut, il y a de la parlotte musicale en un sens, on part d'un air connu, et ça s'envole en impro... Mais on a d'autres versions, plus piquantes, avec l'argot des esclaves qui est devenu une sorte de langage codé que le white ne soupçonnait même pas. Il devait se dire qu'on n'avait le cerveau assez développé pour faire de l'humour. C'est comme ça qu'on a eu un langage sous terrain assez épicé pour être totalement imperméable aux gens de la bonne société.
Et ça a duré longtemps, tiens une histoire assez récente, enfin, dans les années 80, Memphis Slim était en tournée en Europe, depuis plus de 20 ans il vivait en France, et en tournée quelque part dans le Nord, je crois que c'était en Belgique ou en Hollande, parmi les invités il y avait le consul des USA. Qui est venu la gueule en cul de poule demander à Peter – oui, c'était son nom Peter Chatman- en fait son premier pseudo, en vrai c'était John Len Chatman, oui donc, le consul se ramène avec sa blonde peroxydée façon Jean Harlow, et demande à Peter de lui dédicacer un morceau, et tu sais ce qu'il a fait ? Il lui a dit je viens de composer un morceau, c'est la première fois que je vais le jouer, le titre « If You see Kay … » tu parles s'il était ravi le con.. sul, faut te dire que c'était au moment où il fallait faire des cordons de police pour que les premiers étudiants coloured puissent entrer dans les grandes universités white only. Tu saisis pas l'astuce ? T'es pas le seul, alors voilà, en anglais le « F » se prononce « If » le « U » se prononce « You » et le « K » c'est ' »Kay' » suffit de mettre les lettres à la suite ... balaise hein ?? F.U.C.K... Des trucs de ce genre, il y en a eu, tu peux me croire, surtout au Cotton Club avec Cab Calloway, il leur en a fait gober des djazzeries à la bonne société qui venait s'encanailler, et qui ne comprenait pas les sous entendus du black slang très épicé.. et jazz, il y eu une autre explication, ça peut venir de jass, en quelque sorte tirer un coït, ou tirer un coup comme vous dites... Why not ? Jelly Roll Morton, on pouvait aussi se poser la question, du jelly .. le jelly roll, c'est un gâteau roulé à la confiture, un standard des doudouceries patissières, lui c'était Ferdinand Joseph Lamothe, son beau-père s'appelait Mouton d'où Morton, il se disait « inventeur du jazz. » sacré Ferdi ! Pour le jelly, c'était peut-être son côté chaud lapin, hot rabbit, parce que jelly, comment dire ? C'est pas que de la gelée de groseilles. You see ? Oh darling, I've good jelly for you...
Ferdinand il était plus créole qu'africain, il était plus de genre à jouer du piano dans un salon chic que bricoler un banjo dans les cabanes des bas quartiers.. Mais bon, ça l'empêchait pas de courir la gueuse comme tout bon musicien de jass … et de distribuer sa jelly en rag time très endiablé.
C'était un type assez détestable, mais un grand musicien, ça on peut pas dire le contraire, il a pas inventé le jazz, mais il a fait le buzz comme on dit aujourd'hui, et pour ça il était doué. C'est le chaînon entre le rag de Scott Joplin et le jazz libre qui a suivi. Le rag c'était assez rigide comme structure, il a aéré, allégé, laissé la place à l'improvisation, c'était passionnant pour nous, les musiciens autodidactes, il préparait des arrangements, c'était nouveau. Il a bien ouvert la route aux bigs bands.
Tiens pour le gâteau roulé à la confiture, il y a une autre version, « Jelly Roll was black slang for the female genitalia » dit-on aux States... Et en français j'aime bien l'abricot ... en confiture ... aussi …
Pour les histoires des noms, faut dire que si on connaissait le nom de la mère, c'était le plus souvent très flou du côté du père. Héritage des temps de l'esclavage, quand les belles négresses se faisaient engrosser par le maître, elles évitaient de le dire aux enfants, pour qu'ils n'aillent pas réclamer une part d'héritage... au péril de leur vie qui ne valait que le prix de la marchandise qu'ils étaient. Donc l'état civil était très incomplet, et le nom venait le plus souvent du côté d'un ami du père. Mais on trouvait des indications dans les documents religieux*
Je sais ça, parce que mon frère avait fait des recherches, c'était un mec sérieux lui, à vouloir faire avocat, pour un nègre en 1915, tu vois un peu … La question ne s'est pas posée, il est mort en 1917 en France, quelque part en Lorraine... Il pensait qu'on avait une dette envers les français depuis La Fayette. Il était pas mauvais au cornet, mais la vie de musicien, c'était pas son truc, trop de mauvaise vie, tu vois … Pendant longtemps, le jazz, c'était la musique des bordels, jouée par des macs et chanté par des demi-putes, c'est ce qui se disait dans la bonne société, qui n'hésitait pas à venir se donner le frisson ... quand même … et quand on voyait Jelly Roll avec une fille à chaque bras, et son diamant à la place d'une dent, on pouvait se poser la question. Tu comprends pourquoi le vocabulaire est très codé obsédé sexuel … Tu me diras que vous les français, vous n'êtes pas à la traine non plus … D'autres sources disent « jasm » qui aurait dérivé en jass et jazz... Jasm, ça veut dire vitalité, d'autres disent que ça vient de chasse-beau, une danse, et aussi des jazzbelles, qui seraient des Jezabel comme la pute de la Bible … Va savoir, ce qui est sûr, c'est que tous les peuples surtout les peuples de la rue inventent des langages en couleurs, du brut de pavé, vert de langue, et pour ça les africains ne sont pas en retard, pour rester dans le sujet, enfin dans les gros mots recolorés, j'aime assez ce que disent les africaines de l'Ouest qui font le tapin à leur compte, sans mac, leur petite entreprise, elles l'appellent « faire boutique mon cul » c'est marrant non ?? je me demande ce que ça pourrait faire en anglais, ass-store ?? on pourrait dire « fesse market »... en novlangue...
(Une question vient éclairer un point intrigant: la très bonne connaissance du Doc de la langue verte et française, sur ce point, les explications feront l'objet du prochain entretien, en attendant, terminons l'épisode)
Mes parents et leurs parents, c'étaient des nègres de maison, ceux qui servent et gèrent la maison, rien à voir avec les nègres des champs, ces moins que rien, nous aussi on avait notre racisme, pas question qu'un nègre de maison, bien habillé et qui savait se tenir aille s'acoquiner avec des nègres des champs. Dans les maisons, même si c'était interdit, les nègres apprenaient à lire et écrire, des esclaves supérieurs... Et on a toujours été instruits, enfin, pour des nègres... Et puis j'ai toujours été un type curieux, qui a toujours eu envie d'aller voir de l'autre côté de la montagne, et puis il y avait un vieux toubib qui venait soigner les filles, et qui avait des livres, et comme j'étais un des seuls à savoir lire autre chose que la Bible, j'ai découvert des trucs très exotiques, comme Les misérables, exotique, mais ça me parlait... c'est peut-être aussi pour ça que j'ai eu envie de venir en France au lieu d'aller vers la Californie... Ça me plaisait assez de me trimballer avec un gros livre qui n'était pas la Bible... Un gros livre et mon banjo... Tout mon bagage... Finalement, c'est bien de voyager léger...
à suivre …
propos recueillis par Norbert Gabriel ©1998-99
*pour Jelly Roll, ses parents étaient F. P. Lamothe and Louise Monette (écrit Lemott et Monett sur son certificat de baptème). Eulaley Haco (de son vrai nom Eulalie Hécaud) était sa marraine. Voilà comment on fait de vrais américains. Sur sa plaque tombale: Ferdinand Morton, Jelly Roll.
23:41 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (1) | Tags : jazz, memphis slim, jelly roll morton | | | Facebook | Imprimer | |
Rock Rebellitude ...
Rock rebellitude et Régécolor...
Le monde bouge, le monde avance, et les grandes idées finissent par s'imposer. Alléluyah !
Il fut un temps où le rocker pur Harley and chaine de vélo se peignait la banane aux reflets gomina new âge , et laquage dans la masse.
Et pour les écononiquement faibles de la crinière, il y a des postiches disponibles sur le marché. Et que ça rolle in the hair, youpi pour le bigoudi si on veut faire dans le look frisouillé, mais en général, le rocker est plutôt roots and boots, ray ban et Stratocaster. Du costaud qui sonne. Sans concession aux mignardises émollientes, le rock c'est du roc. Et le rocker un mec qui en a dans le solid body !
Les temps ont bien changé, le rockeur 2012 se doit de faire le djeun, et le djeun n'a pas de cheveux blancs, (ou pas de cheveux du tout, la boule à zéro a aussi ses adeptes, sans doute des sinistrés de l'ukase « Cheveux longs et idées courtes » ce qui laisserait entendre que la longueur du cheveu est préjudiciable à la floraison des idées. Ce qui n'implique pas automatiquement non plus que le cheveu éradiqué façon Hiroshima est la garantie d'un cerveau en éruption permanente de génie créatif … Rions un peu en passant, dans « créatif » il y a « Tif » ce qui tendrait à montrer que le cheveu est un élément essentiel du bouillon de création culturelle... La preuve ? Léonard de Vinci. De création, ou de force, la preuve, Samson. D'onction divine, la preuve, les rois francs depuis Clodion le Chevelu. De génie littéraire, la preuve, les sorbonnards chevelus par tradition.
Ou PPDA … Qui est annoncé comme postulant à un siège d'académicien... Pas la StarAc, l'Académie Française, celle de Victor Hugo, Lamartine, Pierre Benoit, Paul Claudel, André Maurois, Pagnol, Edmond Rostand , Cocteau, Anatole France, Paul Valéry, Joseph Kessel, Henri Troyat, François Mauriac, Julien Green, Léopold Sédar Senghor, Marie-Joseph Chénier, Marguerite Yourcenar, Jules Romains, André Chamson, Nicolas Boileau, Alfred de Musset, François Coppée, José-Maria de Hérédia, Jean Racine, Pierre Corneille, Charles Perrault, Châteaubriand, Pierre Séguier qui fût le premier titulaire du fauteuil numéro 1 en 1635 et aujourd'hui en 2012, pour le 40 ème et dernier siège voici Patrick Poivre d'Arvor. Pour vous, je sais pas, mais moi je trouve que c'est vraiment tiré par les cheveux, ou que ça fait comme un cheveu sur la soupe. Revenons donc à nos cheveux.
On voit donc d'étranges mutations capillaires qui ne doivent rien à Tchernobyl ou Fukushima, mais qui doivent tout à l'Oréal, la valeur sûre des temps modernes.
Exemple voici deux images d'un même musicien, à gauche « Avant » à droite « Après »
entre les deux la potion magique qui vous fait le brushing plus djeun pour être vu à la télé. Quand je dis brushing, c'est une façon de parler...
Ça se passe sur TF1, pour l'émission The Voice, et ça me semble assez facultatif pour faire avancer la chanson sur les sentiers de la gloire. mais je dois être de mauvais poil ...
Norbert Gabriel
Last but not least, un coup d'oeil sur la bête de rock, la légendaire Stratocaster:
laquelle Stratocaster semble avoir bénéficié elle aussi de cette lotion magique, dont voici l'origine
Ratanhia: Le colorant se trouve dans des racines séchées brun rougeâtre et très épaisses. La plante est originaire des Andes boliviennes et péruviennes, dites «Rathania du Pérou."
Nom scientifique: Krameria triandra Ruiz et Pavon. Famila: Krameriaceae
00:48 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (2) | Tags : rock, stratocaster, bertignac, the voice | | | Facebook | Imprimer | |