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25/05/2020

Jazz à la Chope ..

C'est là où on s'en ressert volontiers quelques tournées, des bien servies des belles cuvées de ce jazz dit manouche qui nous laisse toujours la tête et le corps en fête . Une fête joueuse et joyeuse généreusement partagée dans laquelle chaque inconnu est un ami qu'on ne connait pas encore. *

 

Chope des puces  Elise et Lola  bandeau  24-05-2020 17-09-05 3619x1985 3619x1985.JPG

 

Revenons à la genèse de ce goût immodéré pour ce Jazz aux Puces. C'était en un temps où Didier Lockwood faisait la tournée des bars et des jams impromptues avec les groupes invités par les différents bars jazz aux puces 22 juin 2013 036  D Lockwood AAAA solo 1428x1611.jpgrestaurants des Puces de Clignancourt .. Et un public extrêmement diversifié se donnait rendez-vous en Juin tête de jazz.JPGpour un grand week end de musique. Dans ces rendez-vous privilégiés, pour ma part, le Relais des Brocs et La Péricole. Au Relais des Brocs plusieurs années de suite, j'ai vu des mômes ravis danser au pied d'Aurore Quartet, à La Péricole, ce furent les retrouvailles régulières avec des personnages haut en couleurs comme évadés d'un film de Minelli sur un air de Gershwin... Un temps révolu, la disparition de Lockwood a été la fin de Jazz aux Puces. Mais ..

La Chope des Puces est intemporelle depuis les années où Django, Crolla et la fine fleur de la guitare s'y retrouvaient. Et après 81 jours d'abstinence de scène vivante, voici que la musique est descendue dans la rue et le passage qui jouxte la Chope des Puces. Lior et Ezéckiel Krief Maxime Bousquet, et leurs amis ont régalé le public entre 14h30 et 17 h … En différentes configurations, avec un égal bonheur. Comme on le voit sur la photo, il y a 3 guitares, type Maccaferri Selmer, celles de Django, Henri Crolla, les frères Ferret , Oscar Aleman, Francis Moerman … dont on peut lire parfois qu'elles ont un son ferraillant, mais avec ce trio, c'est un son très propre, onctueux, élégant, du swing champagne sans une once d'acidité ferrailleuse. Ce qu'on peut entendre avec Henri Crolla et sa Selmer 453 de 1938, et voici le son Henri Crolla,

Et voici les guitares, Selmer et micros Stimer

TRio guitares augmenté 24-05-2020 17-20-15 2840x1666.JPG

 

Il y avait un peu de tout ça, la joie de vivre, la poésie et le swing, des gens heureux de vivre ce moment, parents, grands parents et enfants unis par une même gourmandise musicale avec les frères Lior Krief et Ezeckiel Krief , Maxime Bousquet et leurs invités, Steven Reinhardt (guit) Alban Chapelle et Michel aux cuivres …

Après vous avoir alléché – j'espère – voici la bonne nouvelle, ils reviennent la semaine prochaine, même lieu mêmes heures … La météo est optimiste, c'est à deux pas de Paris, que demander de plus ? Des photos, en attendant..

Merci à Lola la petite danseuse enthousiaste et à Elise

La chope montage 1 3414x4617 3414x4617.jpg

 

avec  la musique https://www.facebook.com/maxime.bousquet/videos/101589475...

 

et pour quelques photos de plus ...

CHOPE montage 2 2560x4912.jpg

 

*... chaque inconnu est un ami qu'on ne connait pas encore.. Adaptation du proverbe irlandais,

« Un étranger est un ami qu'on ne connait pas encore. »

 

Norbert Gabriel

19:11 Publié dans Blog, chanson, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (5) | | |  Facebook |  Imprimer | | | |

06/08/2019

Jean et Django, Sablon et Reinhardt

 

Django Sablon regards.jpg

Dans sa vie fantasque de manouche libre, Django a eu peu d'amis hors du milieu familial élargi. Des compagnons attachants comme Emmanuel Soudieux, une relation contrastée avec Grappelli, plus fondée sur l'estime et le respect que sur l'affection... Mais il y a eu Jean Sablon, un de ces amis fidèles sur qui on peut compter jour et nuit. Quand il est un peu perdu aux States, dans cet étrange nouveau monde auquel il ne comprend pas grand chose, c'est à Jean Sablon qu'il téléphone une nuit, pour qu'il lui apporte une vraie guitare... Une Maccaferri-Selmer.

sablon crooner.jpgLeur amitié est née dans les années 33-34, Jean Sablon, crooner célébrissime découvre le duo Reinhardt-Grappelli, et il voit tout de suite ce que peut apporter cette musique fine et ludique, pour faire un contrepoint aux big-bands cuivrés qui sont la règle quand un chanteur célèbre grave des disques, des 78 tours, un produit de luxe pour lequel les maisons de disques veulent assurer le meilleur sur le plan commercial. Quand on a Jean Sablon, The Voice avant Sinatra, on met le paquet. Et quand on a 3' ou 3'20 sur une face, on la remplit ras bord de Jean Sablon. C'est dire si les maîtres de maisons de disques sont surpris, voire horrifiés, quand Sablon leur amène un duo de musiciens à cordes, un peu connus dans le jazz, et par dessus le marché, Jean Sablon veut une plage musicale de 20 à 30 secondes de solo guitare... Est-ce Dieu possible d'avoir à supporter de ces caprices d'artistes aux idées saugrenues.

Mais … si Jean Sablon est un bon garçon, bien élevé, courtois, il a de la suite dans les idées, il a déjà imposé le micro en concert contre toutes les règles en usage, et ça a marché. Mais... Jean Sablon, c'est la super star du moment, et peut-on refuser quelque chose à une super star ? Voilà comment Sablon et Django vont enregistrer quelques merveilles, de ces moments de pur bonheur qui ensoleille les chansons. Il faut aussi rappeler que Django jouait dans les bals pour gagner sa vie, mais le jazz c'est surtout pour le plaisir, il découvre qu'on peut vraiment s'amuser, et être payé. Etre bien payé.. Pour faire la fête musicale avec un vrai pote, le rêve...

Django swing  2.jpgDans d'autres enregistrements, il sera moins convaincant parce que moins convaincu. Avec Jean on se marre, écoutez cette guitare malicieuse et narquoise dans cette bluette « Rendez-vous sous la pluie » où Sablon force le trait de l'amoureux un peu niais qui se fait berner par sa belle... L'instrument dialoque avec le chanteur, on voit l'oeil de Django qui pétille, et lui le taciturne qui s'exprime souvent en monosyllabes, c'est avec sa guitare qu'il joue le comparse moqueur, et c'est délicieux. Henri Crolla reprendra cette forme de dialogue guitare-voix avec Montand, ils ne sont pas nombreux à avoir excellé dans cette complicité totale d'hommes et de musiciens. Une des plus réussies, est à mon avis « Cette chanson est pour vous madame » , mais commençons avec ce rendez-vous sous la pluie, ensuite une ballade musicale si le coeur vous en dit, à travers les chansons.

studio 2.jpgAuparavant, un détail à préciser, pour enregistrer les 78 T dans ces années 193-40, un seul micro, tout le monde se met autour, plus ou moins près selon la puissance de l'instrument, une galette de cire chaude, et on grave en une fois; si on rate on recommence tout. Les musiciens et le chanteur sont ensemble. En groupe serré.

 

 

 Et maintenant, musique !

 

sous la pluie.jpg« Pourquoi m'avoir donné rendez-vous sous la pluie »

 

Ou la tragicomédie de l'amoureux trouvant un lapin au lieu de la belle espérée; et ça vous fait rire ?


 

(Si vous n'êtes pas passionné par les jeux musicaux entre Sablon et Django, allez poser une oreille sur Nane Cholet, en bas, c'est une belle découverte, par ses chansons.)

Reprenons, voici le meilleur de Django avec Sablon . (Les illustrations en images dans le clip sont montées par Heinz Becker·)

Toutes ces chansons ont été enregistrées entre 1933 et 1937, dans la joie et un bonheur collectif, après, c'est devenu plus pro, pas moins intéressant, mais différent.

 

 « Cette chanson est pour vous madame »

le plus bel exemple d'un accompagnement de haut niveau, complice, coloré, inventif, une vraie histoire d'amour.

avec Jean Sablon (vcl) Stéphane Grappelli (vln); D Reinhardt (g); Joseph Reinhardt (g); Louis Vola (b)  18 octobre 1935- Columbia, Paris


 

« Darling je vous aime beaucoup »

 

Jean Sablon (vcl) Stéphane Grappelli (vln) Alec Siniavine (p) Django Reinhardt (g) joseph.jpg Joseph Reinhardt (g); Louis Vola (b)  18 octobre 1935- Columbia, Paris

Sur la photo, le fidèle Joseph, excellent musicien, passionné de lutherie, et toujours aux côtés de Django.

Sur la vidéo qui précède et celle-ci, vers la 10 ème seconde, il y a une photo du Quintette, avec Emmanuel Soudieux à la contrebasse, on trouve très peu de photos de Soudieux sur le web


 

 

Les deux chansons suivantes sont avec le même ensemble, duo piano guitare. avec Jungo Reinhardt, orthographe d'époque comme on avait eu Jean-Got Renard en 1928.

« Un baiser »

Jean Sablon (vcl) - acc. by Garland Wilson (p);"Jungo" Reinhardt (g) - Paris, 11 janvler 1935 - Columbia

 

 

« The continental »

Jean Sablon (vcl) Garland Wilson (p) Django Reinhardt (g) 11 janvler 1935 - Columbia, Paris


 

« La dernière bergère »

 

Jean Sablon (vcl) Alec Siniavine (p); Django Reinhardt (g) 7 janvier 1935- Columbia, Paris

 

 

« Par correspondance »

 

Jean Sablon André Ekyan (cl); Alec Siniavine (p); Django Reinhardt (g)

19 avril 1934- Londres


 

 

germaiine sablon.jpgAutre exercice, Jean Sablon, avec sa soeur Germaine Sablon , dans cette série l'orchestre est plus fourni, la guitare plus discrète mais il y a quelques traits fulgurants.

 

 

« Un amour comme le nôtre »

 

Germaine et Jean Sablon (vcl)

André Ekyan (cl); Alec Siniavine (p); Django Reinhardt (g); Louis Vola (b or acc)  17 mai 1935 - Gramophone, Paris

 

 

« La petite île »

 

Germaine et Jean Sablon (vo) André Ekyan (cl); Alec Siniavine (p); Django Reinhardt (g); Louis Vola (b or acc) 17 mai 1935 - Gramophone, Paris


 

eliane  de creus.jpgJean Sablon duo avec Eliane de Creus

 

«Parce que je vous aime »

 

Eliane De Creus et  Jean Sablon avec  Michel Emer (p); Django Reinhardt (g); Max Elloy (dm)
14 mars 1933- Paris

 


 

« Je sais que vous êtes jolie »

  Accompagnsé par Alec Siniavine André Ekyan et Django Reinhardt

 

 

Germaine Sablon dans ses chansons en solo. (vo) - acc.par Michel Warlop et son Orchestre:  Roger Grasset (b); Alix Combelle (ts); Michel Warlop (ldr); Charles Lisée (bars); Maurice Chaillou (d); Marcel Dumont (tb); Michel Warlop (vln); André Ekyan (cl); Maurice Mouflard, Pierre Allier (tp); Alain Romans (p); Amédée Charles, André Ekyan (as);
Django Reinhardt (g)

13 novembre1934- Paris

 « Deux cigarettes dans l'ombre »


 

« Je voudrais vivre »

 Germaine Sablon (vcl) Michel Warlop et son Orchestre: id ci dessus. 13 novembre1934- Paris

 

 

« Tendresse waltz »

Germaine Sablon (vcl) Michel Warlop et son Orchestre, Pierre Allier, Maurice Moufflard, Nöel Chiboust (tp); Marcel Dumont, Isidore Bassard (tb); André Ekyan (cl & as); Amédée Charles (as); Alix Combelle (ts); Charles Lisee (bs gnd as); Stéphane Grappelli (p); Django Reinhardt (g);

 


 

« Celle qui est perdue »

Germaine Sablon (vcl) Michel Warlop et son Orchestre: Nöel Chiboust (tp); Marcel Dumont (tb); Isidore Bassard (tb); Charles Lisee (cl, as); André Ekyan (cl, as); Amédée Charles (as, ts); Alix Combelle (ts); Stéphane Grappelli (p); Django Reinhardt (g); Roger Toto Grasset (b); McGregor (dm); Michel Warlop (arrangment & leader)
26 février 1934 - Paris

 

 

« La chanson du large »

 même orchestre le 16 mars 1934

 

 

 

Et la surprise du jour, une chanteuse à redécouvrir, drôle, grave, comédienne et tragédienne qui a choisi un ensemble resserré, un trio au meilleur de sa forme.

Nane Cholet

Nane_Cholet.jpgAucune image identifiée sur la toile, mais les amateurs experts réagissent à la vitesse de la lumière, 2 mn après un SOS web, Serge Joseph et Catherine Cour ouvrent les pistes, merci.

Elle était la femme de Jean Tranchant, avec qui elle a chanté en duo, mais ses chansons avec le trio Django-Grappelli-Vola sont des chefs d'oeuvre. Chaque fois un vrai spectacle, et une belle partie de guitare, très beau son, très beau «  dialogue »

Elle n'a chanté que durant la période d'avant-guerre, puis sous l'Occupation, avant de se consacrer exclusivement à sa vie de famille.

 

 

«Quatre joyeux farceurs »

Stéphane Grappelli (vln); Emil Stern (p); Django Reinhardt (g); et Jean Tranchant (vcl)
2 Septembre 1935 - Paris

 

 

«Si j'avais été »

avec une jolie ambiance blues, et René Ronald (p); Django Reinhardt (g); Louis Vola (b) Mai  1935 - Paris

 


« Fièvre »

 Stéphane Grappelli (p); Django Reinhardt (g); Louis Vola (b)

 

 

 

« Ainsi soient-ils »

Stéphane Grappelli (vln ); Django Reinhardt (g); (g); Louis Vola (b) Emile Stern (p)
12 septembre 1935 Paris

 

 

 

 

Mais il peut y avoir aussi un exemple de rendez vous manqué, de manque de direction d'orchestre et manque de swing...

 

 yvonne louis.jpgYvonne Louis

 

« Au grand large »

 

Yvonne Louis avec,

Stephane Grappelli (vln); Michel Emer (p); Louis Vola (acc) Django Reinhardt (g) 12 mars 1936  - Paris

 

 

(NB : dans cette chanson où la guitare est très en retrait, voire sans conviction, on peut se rappeler que parfois Django se faisait remplacer par Joseph, tout aussi doué, mais peut-être moins charismatique, soit Django n'était pas convaincu par la chanteuse, peu swing, et il a fait le minimum syndical, soit il s'est fait remplacer par Joseph, qui a assuré ce minimum.. Quelles que soient les raisons, on est loin de l'inspiration et de la complicité avec Sablon. )

 

Django echoes of span.jpget pour finir avec Django solo, cette improvisation

 

« Echoes of Spain »

 quand la Selmer Maccaferri se fait andalouse...

On peut remarquer que le son de cette guitare acoustique n'a rien à voir avec de nouveaux émules de Django adeptes d'un jazz mitraillette aux sons ferraillants. Ici, on a le temps de voir les paysages, (comme disait Sarane Ferret)

 

 

 

et quelques Bonus Django, si vous en voulez un peu plus;

 - 1 - en trio avec Baro Ferret et Soudieux, prise de son impeccable  Paris, 30.06.1939

« I'll See You In My Dreams » -


 

 

- 2 - avec de très rares images où on voit Django jouer

 

"J'attendrai"  Swing 1939 live django reinhardt,jean sablon,nane cholet,germaine sablon

 

http://www.youtube.com/watch?v=aQVVD0b-wBg

(ce lien ne s'ouvrant pas automatiquement, faire copier-coller)

 

Ici avec la Selmer Maccaferi équipée d'un micro Stimer sur la rosace, vraisemblablement en 1948 ou 50. Et chez lui.

 

 

 Dernière heure, Août 2015, dans cette chanson un vrai dialogue voix guitare entre Django et Nane Cholet..   Belle découverte..


Norbert Gabriel

10:24 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (2) | Tags : django reinhardt, jean sablon, nane cholet, germaine sablon | | |  Facebook |  Imprimer | | | |

15/04/2018

Henri Crolla

crolla savitry 4.jpgHenri Crolla est né en 1920 dans une famille de musiciens napolitains itinérants qui jouaient surtout en Allemagne, en Bavière dans des établissements réputés. La Première Guerre mondiale ramène la famille à Naples, et leur statut d’artistes dégringole vers l'état quasi-indigents. Avec la montée du fascisme, ils quittent l’Italie en 1922 pour la France. Grâce aux relais familiaux, ils s’installent Porte de Choisy, dans ce qu’on appelait « la zone », mi-bidonville mi-terrains vagues, avec des immigrants, avec les Gitans et les Manouches qui s’y arrêtent régulièrement. Parmi ces voisins manouches, la famille de Django Reinhardt où « Rico » est considéré comme un des enfants de la tribu par la mère de Django, « la belle Laurence ».

zone_aux_portes_de_Paris-3ac27.jpgEnrico, ou Rico, commence à jouer avec la mandoline de maman, Térésa, quand elle est au travail. Il a 3 ans, les parents survivent en jouant dans la rue, en vendant des oignons et de l'ail, ce qui ne plaît pas aux autres enfants. Ils veulent un vrai travail, salarié, en usine. Enrico est le seul à suivre la trace musicale d’Antonio et Térésa Crolla, amis de Nino Rota, mais en France, ce n’est plus la dolce vita de Bavière.. Néanmoins Antonio persévère, forme des petits ensembles (Jazz Crolla) encourage Enrico qui ne demande que ça. À 8 ans, il commence à mettre l’école entre parenthèses pour aller jouer du banjo aux terrasses des cafés riches, des brasseries en vogue, comme La Coupole : il figure sur un des piliers (Savin) où les peintres de Montparnasse ont immortalisé les personnalités de l'époque.

pilier Crolla 005 pilier AAA 06-06-2012 17-24-07 1632x3072.jpgÀ 13 ans, il joue dans la rue et rencontre Lou Bonin du Groupe Octobre. Il vient d’entrer naturellement dans l’univers de mots et d’images de Jacques Prévert, Pierre Prévert, Paul Grimault, et celui du théâtre d’action de Lou Bonin.

Paul Grimault et Jacques Prévert l'adoptent en amitié. Il vivra plusieurs années vers 1935-38 chez Grimault, où il découvre la guitare, le jazz… Chez Grimault, le peintre Émile Savitry amène quelques-uns de ses amis musiciens, les frères Ferret, et surtout Django et Joseph Reinhardt, dont la formation originale, le Quintette à cordes du Hot Club de France invente un jazz européen novateur. Là, « Riton » que Prévert baptise « Mille-pattes » pour son agilité de musicien, découvre toutes les possibilités du vrai jazz : l’improvisation, la création spontanée, la liberté.

Crolla 1938.jpgTrès vite il fait partie des musiciens invités dans les clubs de jazz huppés, comme le Schubert, où se produisent Coleman Hawkins, Benny Carter, Bill Coleman, Gus Viseur, avec qui il joue à La Boîte à sardines, un des premiers clubs de jazz. La Seconde Guerre mondiale interrompt son parcours : mobilisé en Italie, il déserte et revient en France. Durant les années 1940-45, c’est une alternance de travaux d’occasion et de concerts plus ou moins importants, il ne sera naturalisé français qu'en 1946. C'est en 1940-41 qu'il sympathise avec les jeunes comédiens qui sont au Café de Flore, où il joue devant la terrasse, et il devient copain avec Simone Kaminker, future Simone Signoret, une amitié jamais démentie.

En 1945, c'est un musicien de jazz en voie de consécration — Prix de l’Académie du jazz 1947 avec Léo Chauliac et Emmanuel Soudieux) — puis en 1947, il rencontre Yves Montand et devient l'ami de presque enfance, l'italien frangin, et  sa conscience musicale. En 1951 il est avec Boris Vian et Louis Bessières dans le cabaret La Fontaine des Quatre-SaisonsBarbara n'a pu obtenir qu'une place de plongeuse, la programmation étant bouclée pour l'année.

Henri-Crolla-Yves-Montan-400x341.jpgParcours music-hall jusqu’en 1957-58, avec la composition de 40 chansons, et quelques années intenses de tournées. Entre 47 et 53, Montand et le quintette jazzy créé avec Bob Castella vont parcourir tous les lieux de spectacles, casinos, clubs huppés, salles populaires, l'Étoile, ABC (music-hall)… Jusqu'au marathon de l'Étoile en 1953, six mois à guichets fermés consacré par le premier double-album 33-tours de cette nouvelle technique, le microsillon va rapidement remplacer les 78-tours.

En 1954, Montand fait une pause-cinéma, et Crolla compose, musiques de courts-métrages, documentaires, avec André Hodeir, association de deux personnalités complémentaires : l'autodidacte, et le musicien musicologue aux trois prix de Conservatoire. En 1947, Montand lui avait présenté une jeune journaliste : Colette Ravier. Coup de foudre. Et Crolla lui a rendu la politesse en 1949 en lui présentant une « copine du Flore » du temps où il faisait la manche, en 1942-43, Simone Signoret. Amitié qui ne se démentira jamais, c’est Signoret qui invente « Crollette ».

1954-55 : Le Club Saint Germain reprend ses activités. Crolla invite Stéphane Grappelli, Emmanuel Soudieux et Baptiste Mac Kac Reilles pour quelques soirées-jazz en quartette violon, guitare, batterie et contrebasse. Cet ensemble était l'idéal selon Emmanuel Soudieux, le contrebassiste préféré de Django (Soudieux fut le premier contrebassiste européen à jouer les 4 temps, la walking bass).

Henri Crolla grave ses premiers enregistrements-jazz chez Véga. Depuis 1950, avec André Hodeir, ils ont composé plus de 100 musiques pour des courts-métrages, des documentaires, et en 1954-55 ce sont les premières musiques pour longs-métrages, avec Gas-oil (Jean Gabin, Jeanne Moreau), puis Cette sacrée gamine, Une Parisienne, Voulez-vous danser avec moi ? avec Brigitte Bardot.

Son éclectisme et sa curiosité musicale le mènent à financer le premier disque d'un jeune auteur de musique sérielle, Jean Barraqué, reconnu depuis comme un des pionniers du genre. Crolla, bien que très éloigné de ce genre de musique, avait pressenti qu’il y avait une démarche créatrice, nouvelle, qui méritait attention.

Les années 1955-1958 sont très denses : jazz, cinéma, musiques populaires (trois albums 33-tours de guitare solo), tournée en URSS avec Montand, et en 56, premier essai de comédien avec Enrico, cuisinier, un film burlesque de Paul Grimault et Pierre Prévert.

Dans les disques qu'il enregistre pour Vega, il choisit des musiciens peu connus, mais remarquables, comme Maurice Meunier, et le tout jeune Martial Solal (qui signe parfois Lalos Bing) au côté des fidèles, Soudieux, Pierre Fouad, et des compagnons réunis pour un hommage à Django « de ses pairs » comme dit la maison de disques. C'est grâce à Crolla que Paul Paviot réussit à tourner le film sur cet hommage à Django en 58, où l'on retrouve entre autres Hubert Rostaing, Joseph Reinhardt, Stéphane Grappelli et Crolla.

Avec la famille Prévert-Grimault qu'il n'a jamais quittée (la « contre-bande » de Prévert), Crolla s'éloigne du métier de musicien-routier, le cinéma l'attire de plus en plus.

Dans la bande à Prévert, on a fait de cette forme d'expression un moyen privilégié, la chanson et le cinéma sont intimement liés. Avec Simone Signoret, Crolla a aidé Montand à construire un tour de chant qui va devenir un modèle, l'Étoile 53 reste aujourd'hui une vraie leçon de spectacle chanson totalement abouti.

Toujours à l'écoute, il passe en studio offrir quelques notes au premier disque de la jeune chanteuse ACI Nicole Louvier. Les activités cinéma deviennent primordiales, c'est pour cette raison qu'il n'est pas sur scène avec Montand lors des concerts de l'Étoile 58, mais il joue sur l'album. C’est Didier Duprat qui va assurer la succession à la guitare, et le groupe se renforce d’un trombone.

Au hasard des rencontres amicales, musicales, il a accompagné ponctuellement Germaine Montero, Mouloudji, qui fit ses premiers pas en scène chanson avec Crolla à la guitare, ou Édith Piaf dans Cri du cœur, et Yves Robert dans un direct radio… En 1954, Jacques Prévert enregistre Paroles avec la guitare de Crolla en contrechant improvisé. Puis ce sera la tournée en Russie avec Montand, 1956-57, moment très fort de la vie socio-politico-artistique de ces années de guerre froide.

En 1958, il emmène Georges Moustaki chez Édith Piaf, comme il avait emmené Montand chez Prévert à Saint-Paul-de-Vence.

En 1959,sur le tournage de Saint Tropez Blues, il rencontre un jeune comédien, Jacques Higelin, devient son mentor, et lui suggère d’essayer la chanson. Il lui a donné quelques leçons de guitare qui marquent le jeune homme pour la vie. Crolla a offert à Higelin pour ses 20 ans, une guitare, du luthier Antoine Di Mauro, dont Higelin fera faire une copie dans les années 1980, pour le Cirque d'Hiver.

Fin 1959, Crolla décroche le premier rôle (avec Higelin) du film d'Henri Fabiani Le bonheur est pour demain.( film tourné sur le chantier du paquebot France en 1960 entre juillet et Octobre.) Il meurt le 17 Octobre après une opération d'un cancer des poumons à la fin du tournage, à 40 ans.

Récompenses

• Grand Prix du Disque 1957 de l’Académie Charles-Cros.

Discographie disponible

  • Crolla & Co, Hommage à Django de ses compagnons (Jazz in Paris, Universal, 2001)
  • Begin the beguine (id, 2002)
  • Quand refleuriront les lilas blancs (id, 2002)
  • Dans le double CD Le Meilleur de Grappelli (EMI), huit titres enregistrés au Club Saint-Germain (1954)
  • The Jazz sides, Henri Crolla, coffret trois CD avec livret complet (réédition des trois premiers CD Jazz in Paris) sortie novembre 2010.

En 2007, dans la collection Jazz in Paris, on trouve dans le volume 5 Jazz&Cinéma les compositions d'Henri Crolla et André Hodeir pour le cinéma, entre 1950 et 1960. Toujours dans la collection Jazz in Paris, dans le volume 4 Jazz&Cinéma, les airs de « Touchez pas au grisbi » par le Trio Jean Wiéner-Jean Wetzel-Crolla.

Le 9 mars 2009, le double album Le Long des rues regroupe les titres de l'album du même nom, Grand Prix du disque 1957, avec les titres des albums Bonsoir chérie, C'est pour toi que je joue et plusieurs titres de disques 45 tours parus en 1959-60, certains en collaboration avec Marcel Mouloudji. Dans ce double album, on trouve les musiques de films, courts-métrages (Léon la Lune, Les deux plumes, etc.) toujours dans la collection Jazz in Paris, Hors série no 04.

Plusieurs compilations reprennent des titres d'Henri Crolla, dont Jazz à la gitane. Mais une des plus pointues dans le domaine guitare jazz est le double album réalisé par Alain Antonietto, expert de la saga reinhardtienne, et de ses disciples d'hier et d'aujourd'hui, Gipsy Jazz School chez Iris Music (avec trois morceaux joués par Crolla, et un extrait rarissime de la Messe composée par Django). En mars 2011, deux 45 tours de musiques de films avec Brigitte Bardot sont réédités avec les pochettes d'origine : « Une Parisienne » et « Voulez-vous danser avec moi ? ».

Filmographie

Compositeur

Cinéma

Télévision

Rôles et petits rôles

  • En 1952, il est aux côtés d'Yves Montand dans un film à sketches Souvenirs perdus où il joue son rôle de guitariste accompagnateur. En 1956, il est la vedette d'Enrico cuisinier, et en 1959, il est José, premier rôle avec Higelin, dans Le bonheur est pour demain
  • Outre ces quelques apparitions dans des films dont il a fait la musique, Nino Bizzari, cinéaste italien, lui a consacré un film en 2002, pour la Raï Uno Vie et mort d'un petit soleil3 tourné à Naples et Paris, avec les témoignages de Moustaki, Higelin, Colette Crolla, Patrick Saussois, Francis Lemarque, Martine Castella, Roger Boumandil…, long métrage d'une heure et demie, présenté au Festival de Locarno, et récompensé par un Premio Asolo Miglior Biografia d’Artista a Piccolo Sole - Vita e morte di Henri Crolla en 2006.
  • Henri Crolla apparaît aussi dans le court métrage de Paul Paviot, tourné en 1958, en hommage à Django Reinhardt.

Notes et références

  1. « Minor blues Reinhardt, Django » [archive], sur Bibliothèques spécialisées de la Ville de Paris (consulté le 23 janvier 2018)
  2. La Chanson française et francophone, Ed. Larousse, 1999, p. 192
  3. Large extrait de Vie et mort d'un petit soleil [archive] sur ninobizzarri.it

Voir aussi

Bibliographie

  • Hervé Hamon, Patrick Rotman, Tu vois je n'ai rien oublié
  • Hervé Hamon, Patrick Rotman, Montand par Montand
  • François Billard, Alain Antonietto, Django Reinhardt
  • Patrick Williams, Django
  • Marcel Duhamel, Raconte pas ta vie
  • Michel Giniès, Montand
  • Simone Signoret, La nostalgie n'est plus ce qu'elle était
  • Mouloudji, Le Petit Invité
  • Henri Dubief, Histoire de la France contemporaine 1929-1938
  • Jean-Pierre Azéma, Histoire de la France contemporaine 1938-1944
  • Les Musiques de films dans le cinéma français
  • André Hodeir, Hommes et problèmes du jazz
  • André Francis, Jazz
  • Stéphane Grappelli, Un violon pour tout bagage

14:32 | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (0) | | |  Facebook |  Imprimer | | | |