29/03/2012
Chanter le blues, la vie en rose, la vie en blues ...
Le 8 mars 1946 , en Suisse, chez Gilles, pour une émission de radio Suisse Romande, Edith Piaf enregistre « Dans ma rue » une chanson très bluesy, qui ne sera disponible sur disque qu'en 1958; parmi les raisons, il y a les 5'39 qui excédaient le format 78 T pour expliquer ce différé. Il y a aussi le fait que c'est un enregistrement public, moins léché que les produits studios, il a causé la mise en veilleuse de cette chanson revenue dans l'actu début des années 2000, avec les rééditions systématiques des enregistrements ayant passé des 50 ans en droits DRM. D'autre part, le piano-voix intimiste (avec une contrebasse assez discrète) n'était pas dans les us et coutumes de l'époque où le disque se faisait obligatoirement avec orchestre. Brassens sera le premier à imposer des disques guitare-voix en 1952-53.
On peut remarquer le phrasé jazzy de Piaf, très inhabituel dans son style qui a tendance à accentuer les finales « La fille de joie est tris-TE... » alors qu'un léger décalage façon jazz « La fille de joie est tris ..t'.. » serait plus léger et plus sensible
« Dans ma rue »
http://www.youtube.com/watch?v=btN78u9XX4s
Dans la même séance, on trouve « J'ai dansé avec l'amour » dans la même approche jazz-swing... mais avec un phrasé plus classique Piaf.
« J'ai dansé avec l'amour »
http://www.youtube.com/watch?v=9spjtoKUqII
Dans ces années 40-45, Piaf a chanté assez souvent dans une ambiance jazz/big band, ensuite, elle est revenue au classique français, en raison d'un effet de mode américaine qui allait s'essoufler selon elle, (ce qu'elle dit à Montand en 1945-46)
« Dans ma rue » est un des rares exemples de ce style 'à la Brassens' qui savait alléger les finales en décalant jazzy … avec l' élision systématique du « e » final, ce qui n'est pas une nouveauté, la preuve par Ronsard, qui écrit : « Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle »
mais qu'on prononce :
« Quand vous serez bien vieill’, au soir, à la chandell’ »
Imaginez un peu « Quand vous serez bien vieil-leu, le soir à la chandel-leu.. » ça sonne moins bien et on a du pied surnuméraire..
(Il y a 2 ou 3 ans, un chanteur français a beaucoup sévi en play list d'Inter, avec « le soleil-LE, dans le ciel-LE, sur le por-RE... où il y avait en plus « un mirador-RE ») Est-ce bien raisonna-BLEU ..?)
On a le même exemple avec une chanson de Trénet « La folle complainte » que Trénet interprète avec une rigidité étonnante, par exemple, pour respecter la métrique il dit « … hier soir-re » alors que Barouh ou Higelin étirent un temps « hier..soi-oir » en évitant la lourdeur du « re »
Dans « J'ai dansé avec l'amour » (chanson du film Montmartre sur Seine, en 1941) l'extrait du film montre clairement que l'accordéoniste (Henri Vidal) fait de la figuration, c'est un big band jazz qui l'accompagne, et probablement pas les musiciens qu'on voit à l'image. Mais dans cette période, Piaf a plusieurs chansons très rythmées jazz (surtout quand c'est Robert Chauvigny au piano qui l'accompagne plutôt que Marcel Bonel l'accordéoniste qui la ramène au très classique phrasé français qui alourdit les finales parfois jusqu'à la caricature. D'ailleurs on pourrait faire un tour dans l'environnemment musical de Piaf, qui semble avoir été très dominé par l'accordéon de Bonel, il y a eu un excellent guitariste, Jacques Liébrard, totalement 'absent' dans les enregistrements avec Piaf, il est confiné à la rythmique discrète, alors que quelques années plus part, avec Gréco, on découvre un guitariste exceptionnel, de la classe de Crolla ou de Barthélémy Rosso.
Parfois on peut les confondre, Liébrard et Rosso ont très largement suivi la trace de Crolla, dans ses accompagnements avec Montand. Dans un album de Jean-Claude Pascal (qui avait demandé à Crolla de l'accompagner), on pourrait s'y tromper tant Mimi Rosso joue 'à la Crolla'...
Pour mémoire, et pour revenir à Edith Piaf, il y a l'exceptionnel «Cri du coeur » (Prévert-Crolla) enregistré dans des conditions particulièrment chargées (1960, quelques mois avant la mort de Crolla) un des rares, peut-être le seul enregistrement de Piaf en guitare-voix, ou presque, avec Crolla à la guitare, la mythique Selmer Maccaferri 453. Cette chanson 'Cri du coeur' a été tellement marquée par Piaf, que personne ou presque n'a osé la mettre à son répertoire (sauf Catherine Sauvage) il faut attendre 1998 pour que Françoise Kucheida l'interprète, dans le style Piaf. Mais c'est Hervé Vilard, en 2003 ou 2004 qui en fait une des versions les plus intéressantes, et sans soute plus près de l'esprit Prévert, en l'interprétant avec plus de légèreté, en faisant une sorte de bras d'honneur au malheur, malgré tout !
(mais en 1960, avec Crolla condamné à brève échéance, Piaf très malade qui va au studio en ambulance, l'ambiance était moins à la rigolade... )
Version Piaf-Crolla
http://www.youtube.com/embed/gcMtFa7so0c
Version Hervé Vilard
http://www.deezer.com/fr/music/herve-vilard/cri-du-coeur-...
et écoutez bien la toute dernière seconde..
En ce qui concerne Edith Piaf, sur sa vie d'artiste, de chanteuse, tout ce qu'elle a écrit, chanté, testé, refusé, avec dates et références, un seul livre à consulter, le plus complet :
« Piaf »
de Pierre Duclos et Georges Martin (Le Seuil 1993)
On a aussi un très bon chanteur de blues, en plus de ¨Michel J. c'est Jehan, dont l'album
« La vie en blues » est superbement construit. (chez Didier Pascalis Tacet.)
Très bel album qui met une touche de blues spirit dans 14 pages de la chanson francophone. On les connait presque toutes par coeur, ces chansons, et pourtant c'est une re-découverte, en particulier cette émouvante Marie-Jeanne* (Ode to Billy-Jo ) dont toute l'énigmatique ambiance est parfaitement rendue par Jehan. Mais on ne sait toujours pas pourquoi Marie-Jeanne Guillaume s'est jetée dans la Garonne...
On peut aussi remarquer que Jehan sait entrer dans le blues sans effet tapageur ni artifice, il est dans le blues comme ces old singer de la Louisiane qui n'avaient pas besoin d'autre chose qu'une vieille guitare et un harmonica pour vous prendre à plein coeur et vous emmener dans leurs ballades entre mi-rage et mi-rêve, dans un train qui prend son temps pour traverser la vie, comme celui de Félix Leclerc, ce fameux train de Ste Adèle qui a révélé à un jeune chanteur une certaine idée de la chanson, Ricet Barrier, que le train de Ste Adèle a envoyé sur les chemins de Montaligère, et d'un putain d'métier... Balladin pour « Chanter à tue-tête, Bahia, Toulouse, le lac St Sébastien, dans une valse à Milteau » pleine de sensualité et de sensibilité.
L'art de l'interprète est de faire revivre des chansons et de donner à entendre des nuances différentes, Jehan excelle dans cet exercice, autant que dans le choix des auteurs qu'il a invités dans sa vie en blues, un blues mis en paysages sonores par Thierry Garcia dans ce voyage de chansons dont chacune est une perle.. Pour des raisons personnelles, et l'admiration inconditionnelle que je porte à Nino Ferrer et Jean -Roger Caussimon, deux joyaux : « Pour oublier qu'on s'est aimés » de Nino Ferrer et « Les belles nuits» de Caussimon
« La vie en blues » de Jehan, chez Tacet.
Il y a quelques jours, Doc Caloweb avait proposé aussi quelques avis personnels sur chanter le blues quand on n'est pas né au bord du Mississippi...
http://resistancechanson.hautetfort.com/archive/2012/03/2...
20:00 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (0) | Tags : blues, piaf, jehan, chanson, crolla, prévert, cri du coeur | | | Facebook | Imprimer | |
Djazzeries la française langue, verte et slang...
Pourquoi et comment cet américain venu de Louisiane, parle-t-il un français aussi riche et aussi coloré ?
Autre question : Dans ses mémoires, le Doc s'est pas mal étendu sur les années 30, sur des musiciens comme Robert Johnson, or il prétendait avoir passé ces années en France. Un recoupement s'imposait pour faire la part des faits réels ou bien des narrations plus ou moins fantaisistes. Pour faire son show de conteur aux souvenirs très riches de détails pittoresques.
On y est venus, à ces recoupements par le biais de Crolla, Prévert, et Marcel Duhamel.
Marcel Duhamel grâce à qui le Doc maîtrise aussi bien la langue de chez nous dans toutes ses nuances, rares chez un américain. A part Sim Coppans et Brian Thompson.
Duhamel, dont on reparlera, mais pour le moment, écoutons le Doc.
« Alors voilà, je ne suis jamais retourné aux States. Quand j'en ai eu l'envie, j'avais pas le fric, et quand j'ai eu le fric, j'avais plus envie. Parce que ce qu'on m'en disait n'avait rien de bandant. Comment j'ai su tout ce qui se passait au pays ? C'est simple, tous les musiciens qui débarquaient à Paris arrivaient direct chez moi... J' étais le mec qui connaissait tous les plans, pour se loger, pour bouffer, pour baiser, c'est comme ça que j'étais au courant de ce qui se passait là-bas... On me racontait.. Les nouvelles du pays, de la musique et le reste... Et ça me donnait pas tellement envie de faire la route vers l'Ouest. J'avais pris l'habitude de pisser à côté de n'importe qui, jeune ou vieux, blanc ou métèque, et retrouver les pissotières white only, ça m'aurait énervé. Sans parler de l'escalier de service à l'hôtel quand les musiciens blancs passent par l'entrée principale.
En 39, on est quelques uns à avoir senti le vent mauvais, surtout les musiciens juifs, là, je serais bien reparti aux States. C'est pour ça que je suis allé en Angleterre, depuis l'épisode Hylton, j'avais gardé quelques relations. Et on a fait une fiesta terrible quand on s'est retrouvés, et j'ai raté le bateau. Et puis j'avais perdu le billet. Voilà pourquoi je ne suis pas retourné aux States. C'est vrai que parfois j'avais la nostalgie du riz-haricots rouges de la Louisiane, je me suis consolé avec le cassoulet, la pasta acciuta de Madeleine Buisson, la soeur de Crolla et la potée des auvergnats de Paris. C'est sûr qu'à Londres sur ce plan, c'était moins la fête... et puis ça a été les bombardements, là j'ai regretté d'avoir raté le bateau … les caves de Londres, j'ai nettement préféré celles de St Germain des Prés, la musique y était plus à mon goût...
Ici, Chez Papa, rue St Benoit
Là une des caves que j'aimais bien
C'est marrant mais dans les années 30, tous les européens voulaient émigrer aux States, pour cueillir les dollars, comme si ça poussait dans les champs de coton, et nous les negros musicos on rêvait de venir en France pour pisser à côté d'un blanc sans se faire lyncher, et jouer dans des clubs chics qui n'étaient pas des bordels avec musique ... Ça s'est vite su, ce genre de truc, d'abord par les soldats qui étaient venus en 17, il y avait une compagnie nègre, mon frère y était, et il est resté, mais quand je dis resté, c'est resté sous terre... Il avait des idées qui lui auraient valu des ennuis, le brother s'il était rentré au States, genre liberté égalité et tout le fourbi. La liberté aux USA, c'était surtout la liberté pour les blancs de faire ce qu'ils voulaient, demande aux Indiens ce qu'ils en pensent... Nous il a fallu qu'on l'apprenne, puis qu'on la prenne... First, understand, then take ! tu piges ? et ça n'a pas été facile.. Alors tu penses bien qu'ici... Mais ça n'a pas toujours été facile, au début on faisait marrer les gens, ils avaient jamais vu de nègres dans notre genre, des qui parlaient la langue des dieux d'Amérique, pas les baragouins petit-nègre y a bon Banania de ceux d'Afrique comme qui dirait des singes doués d'une forme de parole, nous on était plutôt une catégorie à part, estampillée dollar, ça mérite un peu de respect, le dollar.. Finalement, c'est après 1945 que ça s'est dégradé, va savoir, le frenchie voulait bien avoir de la reconnaissance pour le tommy-boy de Georgie ou du Texas, mais pour l'oncle Tom, faut pas pousser trop loin.
C'est comme ça que Miles Davis s'est vu refuser une table dans un grand restaurant, oh on lui a pas dit ouste négro, dehors, mais sorry monsieur toutes les tables libres que vous voyez là sont réservées ... Miles, il croyait qu'en 1960 à Paris avec une vedette d'ici à son bras les portes s'ouvraient en grand... il m'aurait demandé, je lui aurais sous titré le film... Sur une scène, dans un club de jazz, ces messieurs dames nous frôlaient volontiers, ils buvaient un coup avec nous, mais dehors, dans la vraie vie, gardez vos distances les gueux, on ne se mélange pas avec n'importe qui... Salvador ne s'en est jamais remis de ça... Les beaux messieurs faisaient copain-copain le soir au Schubert, mais le lendemain sur les Champs, c'est comme s'il était devenu transparent, Henri, on ne le voyait plus... Voilà, c'est une part du rêve qui s'effiloche, et ça laisse des traces... Moi, ça ne me faisait ni chaud ni froid, j'ai eu des bons copains des vrais, dans toutes les catégories de gens, et c'est pas parce qu'un type est noir qu'il est forcément moins con qu'un blanc... Et réciproquement... Disons plus prudent par expérience...
La bande à Prévert, Duhamel, c'est par Paul Grimault et Savitry que je les ai conus. Savitry, c'était le monsieur jazz de la la bande. C'est chez lui que Django et Joseph (Reinhardt) ont entendu ls premiers disques de Louis... C'est Emile (Savitry) qui m'a embarqué, un soir, au Bal Nègre... enfin il me semble que c'était au Bal Nègre … et quand j'ai rencontré Marcel, Duhamel, on a eu tout de suite les atomes accrochés. D'abord, il parlait très bien américain, et pas l'anglais dOxford, et il s'intéressait aux romans policiers, il les traduisait, alors tu penses si on a jaspiné argot et slang tous les deux … c'était de l'échange culturel bien arrosé, et bien corsé. Voilà pourquoi ses polars de la Série Noire sonnaient juste. Et il y avait aussi une de ses copines, Minnie, qui était bien branchée littérature américaine... Minnie Danzas... Qui a traduit tout Chester Himes
Il y avait aussi les mômes, Rico Crolla, et les Mouloudji, deux frangins marrants, mais je les voyais moins, la nuit ils dormaient, eux …
<--- Henri Crolla (en 1952)
les frères Mouloudji, --->
(en 1935-37)
Marcel et André
Il y avait du beau monde dans cette bande, des belles personnes comme on dit … J'ai bien aimé trainer avec eux, les Crolla, Mouloudji, Duhamel, les frères Prévert, Brassaï, moi je faisais de la figuration intelligente, tu vois, le second ou troisième rôle qui complète le décor... la touche de blues un peu exotique, je dis pas ça avec amertume, c'était mon tempérament, je faisais garniture autour du plat principal, ce qui est plutôt confortable globalement, t'es pas en première ligne, tu trouves toujours une bricole à faire... évidemment, faut pas rêver à une Rolls et un château en Espagne, ou en Provence, mais j'ai toujours aimé voyager léger... Pendant des années la bande à Prévert vagabondait d'hôtels en hôtels, de provisoire en occasionnel, ça me plaisait bien, même si j'avais une cambuse prêtée à vie, ça laissait un air de liberté toujours possible... Tu prends ton banjo, et go man... Même si tu sais que tu le feras pas, tu sais que c'est possible, et ça, c'est vital, comme pour les gypsies, les manouches, les gitans, c'est pas pour rien qu'ils se disent fils du vent.
Propos recueillis par Norbert Gabriel
Tout s'explique finalement, et pour finir en musique, un petit voyage musical à St Germain des Prés, quand Crolla avait invité Grappelli au Club St Germain, en 1954, avec Soudieux et Mac-Kac Reilles, où « chaque soir on se retrouvait comme une petite famille heureuse » (Stéphane Grappelli dixit)
« Have you met miss Jones », et « Belleville » au Club St Germain
http://www.deezer.com/fr/music/stephane-grappelli-henri-c...
là c'est Crolla avec « Lalos Bing » Martial Solal, un de ses premiers enregistrement
http://www.youtube.com/watch?v=ti1dFnzWFCY&feature=BF...
et pour finir, cette délicieuse Titine, c'est tout Crolla et sa guitare, tendresse et malice rieuse..
http://www.youtube.com/watch?v=ewBh3XachbI&feature=au...
Henri Crolla et sa Selmer Maccaferri 453, et la petite famille (élargie) du Club St Germain,
de gauche à droite, Grappelli, Mario Meunier, Crolla, Soudieux, Paraboschi, et Michel Hausser, coupé en 2
(sur la photo de groupe, le type devant, mais c'est le Doc !!! qui est la blonde ???)
01:36 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (1) | | | Facebook | Imprimer | |
26/03/2012
Djazzeries (avec Brassens)
Une des toutes premières chansons enregistrées de Brassens, ce fut « La mauvaise réputation » un vrai cauchemar ! Pour les guitaristes débutants qui dans les années 50-55 passent de la « Romance Jeux interdits*» selon Narciso Yepes (une «Melodia » de Fernando Sor adaptée par Yepes) à une partition de Brassens, l'exercice est douloureux, on passe d'un arpège accessible à n'importe quel humain normalement constitué de mains à 5 doigts, à des suites d'accords acrobatiques. « La mauvaise réputation » c'est pratiquement un accord par temps, et pas des accords à l'économie, du Sol m6, du Si b, du Sol m, que des accords en grand barré, en clair pour les néophites de la 6 cordes, il faut que ça sonne sur les 6 notes, et avec les guitares modèle Brassens-Favino, manche large et cordes métal, c'est la garantie de crampes douloureuses de la main gauche, et de doigts bien « cornés » au bout de quelques semaines... N'empêche, ce sacré Georges s'est bien nourri du jazz (encore pire que « La mauvaise réputation », il y a « Je m'suis fait tout p'tit », du Fa#7, du Do#7 du Si m et du Si 7 ème, tout en barrés, et avec cette citation de l'Improvisation n°3 (deuxième partie) de Django...
NB : les guitares Brassens-Favino sont des guitares de facture assez classique d'apparence, mais équipées de cordes métalliques au tirant plus fort que les cordes nylon. Ce qui impose un barrage intérieur renforcé, elles sonnent bien. Dans les années 50-55, on ne trouvait pas d'instruments pour le prix de 3 pizzas Regina et une chopine de Chianti, les modèles « entrée de gamme » étaient des guitares de luthiers des Vosges, de Mirecourt, de Mattaincourt, et le premier prix c'était l'équivalent d'un demi Smic, payé en partie par les travaux de vacances, donc quand il y a 6 cordes, on fait un accord sur les 6 cordes, pas question de jouer au rabais avec des demi-accords... Faut faire sonner, et rentabiliser au mieux l'instrument dans tout son potentiel.
Ici la Patenotte de ma jeunesse -->
Norbert Gabriel
Laissons à notre expert du jazz proposer sa partition sur le sujet, ouap dou ouap !
Duke Paddington « Brassens et le jazz »
La musique de Brassens a fait pas mal bavasser, surtout les béotiens.. Genre, c'est pas de la musique. Et le jazz dans tout ça ? Eh bien le jazz l'a reconnu très tôt comme musicien à part entière.
En 1954, Sydney Bechet et André Réwélioty enregistrent des chansons de Brassens, (ici Brave Margot) ce sont les premiers jazzmen à honorer sa musique, que quelques hurluberlus qualifient encore parfois aujourd'hui de répétitive ou inexistante. On se demande ce qu'ils ont dans les oreilles... Très vite le jazz s'intéressera aux musiques de Brassens, et Boris Vian qui n'était pas n'importe qui, dira de Brassens : « Il a une manière de chanter qui s'apparente souvent à celle des chanteurs de blues, par sa mise en place et par une attaque un peu en retard sur l'accompagnement. » Brassens avait beaucoup écouté Django, et n'importe quel musicien digne de ce nom voit immédiatement la pompe du jazz manouche dans le style Brassens, les basses jouées sur le temps et les accords sur le contretemps. Boris Vian 1958 : « La netteté du style et la fraîcheur de son expression l'apparentent aux folksingers noirs »
En fait, il y a beaucoup de gens qui restent collés sur Brassens 1953-54 « La cane de Jeanne » une de ces mélodies, avec 3 accords simples, mais ce n'est pas simpliste pour autant … Ensuite, pour ces simplets de l'harmonie, je les invite à jeter un oeil sur les partitions de « Mon vieux Léon » ou celle des « Quat'z'Arts » ça leur remettra les idées en place, à condition qu'ils connaissent quelque chose à la musique. Et pour les fans de la 6 cordes, les suites d'accords, c'est pas du gâteau. On comprend mieux la raison de ces acrobaties quand on sait qu'il composait au piano le plus souvent, et transposait ensuite, sans chercher à simplifier. Et une suite d'accords simples au piano peut devenir diablement compliquée sur le manche d'une guitare.
Il y eût beaucoup d'autres jazzmen, puis des guitaristes réputés ont revisité les musiques de Brassens, Claude Bolling les avait précédés en réunissant quelques compositeurs « de chansons » en 1956, Brassens, Bécaud, Bechet et Vian .
Il y eût aussi Moustache et pas mal de fanfares New Orleans à honorer ce copain d'abord...
Il fait partie de ces compositeurs qui donnent « du matériel » de qualité aux musiciens, ça a l'air simple, c'est comme l'or pur, ça triche pas.
Et ce type a eu le génie d'imposer des enregistrements de disques en guitare-voix, ce qui était une hérésie à l'époque, un disque se faisait obligatoirement avec orchestre pour en mettre plein les oreilles du populo quand ça sortait de la TSF. Enfin, c'est plutôt guitares-voix, il y avait toujours une seconde guitare, et bien sûr la contrebasse de Pierre Nicolas. Et quand on écoute les albums, on constate que ce sacré Georges savait trouver de très fins musiciens, Victor Appicella au début, puis Barthélémy Rosso, (un fan de Crolla) qui a mis des contrechants d'une finesse et d'une élégance remarquables. Il y a eu aussi un jazzman élégant, Jean Bonal (disque Le pornographe 1958).. Puis Joel Favreau qui a joué sur tous les albums de 1970 à 1982.
Finalement la musique, le mieux c'est de l'écouter, voilà deux belles re-créations:
- René-Louis BARON clarinette New Orleans « Je m'suis fait tout p'tit.. »
http://www.youtube.com/watch?v=cEgz60swFUo
- et « Au bois d'mon coeur » Giants of jazz,
http://www.youtube.com/watch?v=EO6JRfW66bU
Duke Paddington
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Jeux interdits : œuvre manuscrite du début du XIXe siècle et dont le titre est Melodia de Sor. Il s'agit de la même pièce que celle éditée par Narciso Yepes si ce n'est que comme dans une autre version éditée en 1927 par Daniel Fortea ( propriétaire du manuscrit) l'arpège y est inversé. C'est donc une indication presque certaine (sous réserve que le titre du manuscrit soit authentique) que cette romance peut être désormais considérée comme étant l'œuvre du guitariste et compositeur Fernando Sor.
22:28 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (2) | | | Facebook | Imprimer | |