Djazzeries (avec Brassens) (26/03/2012)

Une des toutes premières chansons enregistrées de Brassens, ce fut « La mauvaise réputation » un vrai cauchemar ! Pour les guitaristes débutants qui dans les années 50-55 passent de la « Romance  Jeux interdits*» selon Narciso Yepes (une «Melodia » de Fernando Sor adaptée par Yepes) à une partition de Brassens, l'exercice est douloureux, on passe d'un arpège accessible à n'importe quel humain normalement constitué de mains à 5 doigts, à des suites d'accords acrobatiques. « La mauvaise réputation » c'est pratiquement un accord par temps, et pas des accords à l'économie, du Sol m6, du Si b, du Sol m, que des accords en grand barré, en clair pour les néophites de la 6 cordes,barré fa.jpg il faut que ça sonne sur les 6 notes, et avec les guitares modèle Brassens-Favino, manche large et cordes métal, c'est la garantie de crampes douloureuses de la main gauche, et de doigts bien « cornés » au bout de quelques semaines... N'empêche, ce sacré Georges s'est bien nourri du jazz (encore pire que « La mauvaise réputation », il y a « Je m'suis fait tout p'tit », du Fa#7, du Do#7 du Si m et du Si 7 ème, tout en barrés, et avec cette citation de l'Improvisation n°3 (deuxième partie) de Django...

 guitare patenotte AA.jpgNB : les guitares Brassens-Favino sont des guitares de facture assez classique d'apparence, mais équipées de cordes métalliques au tirant plus fort que les cordes nylon. Ce qui impose un barrage intérieur renforcé, elles sonnent bien. Dans les années 50-55, on ne trouvait pas d'instruments pour le prix de 3 pizzas Regina et une chopine de Chianti, les modèles « entrée de gamme » étaient des guitares de luthiers des Vosges, de Mirecourt, de Mattaincourt, et le premier prix c'était l'équivalent d'un demi Smic, payé en partie par les travaux de vacances, donc quand il y a 6 cordes, on fait un accord sur les 6 cordes, pas question de jouer au rabais avec des demi-accords... Faut faire sonner, et rentabiliser au mieux l'instrument dans tout son potentiel.


  Ici la Patenotte de ma jeunesse -->

 

Norbert Gabriel

 

Laissons à notre expert du jazz proposer sa partition sur le sujet, ouap dou ouap !

 

Duke Paddington « Brassens et le jazz »

 

brave margot.jpgLa musique de Brassens a fait pas mal bavasser, surtout les béotiens.. Genre, c'est pas de la musique. Et le jazz dans tout ça ? Eh bien le jazz l'a reconnu très tôt comme musicien à part entière.

En 1954, Sydney Bechet et André Réwélioty enregistrent des chansons de Brassens, (ici Brave Margot) ce sont les premiers jazzmen à honorer sa musique, que quelques hurluberlus qualifient encore parfois aujourd'hui de répétitive ou inexistante. On se demande ce qu'ils ont dans les oreilles... Très vite le jazz s'intéressera aux musiques de Brassens, et Boris Vian qui n'était pas n'importe qui, dira de Brassens : «  Il a une manière de chanter qui s'apparente souvent à celle des chanteurs de blues, par sa mise en place et par une attaque un peu en retard sur l'accompagnement. » Brassens avait beaucoup écouté Django, et n'importe quel musicien digne de ce nom voit immédiatement la pompe du jazz manouche dans le style Brassens, les basses jouées sur le temps et les accords sur le contretemps. Boris Vian 1958 : « La netteté du style et la fraîcheur de son expression l'apparentent aux folksingers noirs »

En fait, il y a beaucoup de gens qui restent collés sur Brassens 1953-54 « La cane de Jeanne » une de ces mélodies, avec 3 accords simples, mais ce n'est pas simpliste pour autant … Ensuite, pour ces simplets de l'harmonie, je les invite à jeter un oeil sur les partitions de « Mon vieux Léon » ou celle des « Quat'z'Arts » ça leur remettra les idées en place, à condition qu'ils connaissent quelque chose à la musique. Et pour les fans de la 6 cordes, les suites d'accords, c'est pas du gâteau. On comprend mieux la raison de ces acrobaties quand on sait qu'il composait au piano le plus souvent, et transposait ensuite, sans chercher à simplifier. Et une suite d'accords simples au piano peut devenir diablement compliquée sur le manche d'une guitare.

 

giants jazz brassens.jpg

bolling brassens.jpg

Il y eût beaucoup d'autres jazzmen, puis des guitaristes réputés ont revisité les musiques de Brassens, Claude Bolling les avait précédés en réunissant quelques compositeurs « de chansons » en 1956, Brassens, Bécaud, Bechet et Vian .

Il y eût aussi Moustache et pas mal de fanfares New Orleans à honorer ce copain d'abord...

 

Il fait partie de ces compositeurs qui donnent « du matériel » de qualité aux musiciens, ça a l'air simple, c'est comme l'or pur, ça triche pas.

Et ce type a eu le génie d'imposer des enregistrements de disques en guitare-voix, ce qui était une hérésie à l'époque, un disque se faisait obligatoirement avec orchestre pour en mettre plein les oreilles du populo quand ça sortait de la TSF. Enfin, c'est plutôt guitares-voix, il y avait toujours une seconde guitare, et bien sûr la contrebasse de Pierre Nicolas. Et quand on écoute les albums, on constate que ce sacré Georges savait trouver de très fins musiciens, Victor Appicella au début, puis Barthélémy Rosso, (un fan de Crolla) qui a mis des contrechants d'une finesse et d'une élégance remarquables. Il y a eu aussi un jazzman élégant, Jean Bonal (disque Le pornographe 1958).. Puis Joel Favreau qui a joué sur tous les albums de 1970 à 1982.

Brassens nicolas favreau.jpg

Finalement la musique, le mieux c'est de l'écouter, voilà deux belles re-créations:

- René-Louis BARON clarinette New Orleans « Je m'suis fait tout p'tit.. »

http://www.youtube.com/watch?v=cEgz60swFUo

- et « Au bois d'mon coeur » Giants of jazz,

http://www.youtube.com/watch?v=EO6JRfW66bU

 Duke Paddington

 

 

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