06/04/2015
Comment la chanson arriva dans la vie de Marie-Thérèse une troisième fois...
Dernier épisode, avant l'arrivée le 12 Avril de l'album "Intacte" et du coffret, dont la souscription est bouclée, et de la fête à l'Européen, en Avril, ne te découvre pas d'un fil, mais reprend le fil de la belle histoire de Marie-Thérèse Orain, les 5 épisodes sont en ligne, suffit de remonter le courant. Et n'oubliez pas, de visiter,
le coffret,l'album, avec des inédits est ici:
http://caminoverde.com/spectacles/marie-therese-o......
Après ces années lyriques, en 1982, Christophe Bonzom la ramène à la chanson, dans d'autres cabarets qui renaissaient, Le Loup du Faubourg, le Café Ailleurs, chez Driss, avec son répertoire, les chansons bastringues... Dans la ligne de l'extravagante Marie Dubas ou de la malicieuse Odette Laure.
Mais outre ses activités de chanteuse, de comédienne, Marie-Thérèse Orain a oeuvré dans la création de spectacle autour de la chanson. Avec Eve Griliquez, une émérite femme de radio, naît un projet consacré à Boris Vian, pour France Culture en février 68. A partir de cette émission, émerge l'idée d'un spectacle. Un producteur-directeur de théâtre est séduit, et propose sa salle, pour l'horaire 18h30, et leur propose de commencer en Mai. En Mai 1968. Mais il n'a pas un sou pour financer la production . Eve Griliquez, sur le point de changer de logement, remet l'immobilier à plus tard, et la création se fait. Démarrage très clairsemé, peu de pub, mais un soir après plusieurs jours très maigres sur le plan public « Robert Kanters » est dans la salle ».... Robert Kanters, de l'Express est une des plumes critiques qui comptent, de celles qui peuvent faire un succès ou un échec, alors on s'est défoncés, et le lendemain, c'était plein. Les autres critiques sont tous venus, et la salle a été bourrée comme un canon tous les jours. Planchon aussi est venu, il ne restait plus une place, il a eu un tabouret des loges. Le spectacle est passé à 20H30 après qu'on l'ait rallongé d'une heure, et on a tourné deux ans avec ce spectacle prévu pour une seule soirée radio.
Il y avait tout Vian, les chansons, mais aussi des extraits de ses chroniques jazz pour la radio, quand il faisait des émissions en direct, arrivant sans avoir rien préparé, et ça partait en impro totale... En Octobre 1968, le Théâtre de la Gaîté-Montparnasse affichait :
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En avant la zizique, spectacle musical de Eve Griliquez; texte de Boris Vian ; projections de Camillo Osorovitz; avec Marie-Thérèse Orain, Eve Griliquez, Michel Muller... Interprété aussi par Francis Lemaire, Jacques Degor, Robert Darame, France Olivia, Trio de jazz Michel Roques.. |
Quand Ursula Vian est venue, elle nous a dit ; « C'est la première fois que je retrouve Boris... »
Quelques années plus tard, Marie-Thérèse essaie de monter un spectacle sur Jacques Debronckart, mais trop seule, sans appuis, elle renonce. En revanche pour Gribouille sa frangine de coeur dont elle a gardé tout ce qui existe, édité ou pas, elle aboutit, avec une équipe de quatre comédiens, deux femmes deux hommes. Et une comédienne est chargée de la mise en scène, ce qui s'avérera catastrophique, par la présence quotidienne dans la salle de cette personne qui s'agitait et manifestait sa réprobation quand un comédien n'était pas exactement à la place indiquée, ou ratait un geste. Comportement qui gênait aussi les spectateurs. Dommage pour Gribouille, cette fulgurante passante qui a laissé une trace indélébile. Françoise Mallet-Joris l'a définie comme le désespoir sous sa forme la plus séduisante, le désespoir qui chante, elle est passée comme un étoile filante avant de s'éclipser à 26 ans. Rideau définitif.
Il y eut aussi Bernard Dimey, l'ogre blessé que Marie-Thérèse bassinait pour qu'il lui écrive des chansons... Ah je les ai oubliées dans la poche de mon manteau.... Quoi ? Mais tu ne portes jamais de manteau... ça se passait au Tire-Bouchon, peut-on imaginer un lieu plus approprié à Dimey ? Des soirées de rigolade, mais c'est là que Dimey après le spectacle, donnait ses grands textes, les formidables monologues, en fin de soirée, entre nous , et on finissait la nuit dans ce bistrot.
Et puis Edith Piaf,
En 1963, un dimanche après midi, Piaf était à l'Olympia, quelques mois avant sa mort, très fatiguée, en pantoufles, et au bout de 3 chansons c'était le miracle… J'en suis sortie hébétée, comme si je sortais d'une explosion une déflagration...
Ce sont de grands souvenirs, tous liés à la scène chanson, bien sûr il y a eu les très nombreux films, téléfilms, pièces de théâtre, qui parfois scintillent dans la mémoire, « La frisée aux lardons » ne restera pas dans le panthéon du cinéma, mais quelle belle rencontre avec Bernadette Lafont, cette dévoreuse de vie... Marie-Thérèse Orain était fascinée par les impressionnantes tartines que Bernadette engloutissait au petit déjeuner, elle mangeait avec la santé d'un routier...
C'est jouissif de te voir dévorer comme ça... Réponse, oui, c'est jouissif et je fais tout comme ça...
On était devenues de bonnes copines et on a bien rigolé...On retrouve régulièrement dans le parcours de Marie-Thérèse ces souvenirs liés au partage de l'amitié, un talent de plus dans l'art des rencontres. Et surtout avec les généreux, les excessifs, j'aime les artistes au moment où ils se laissent emporter, où arrive l'inattendu. Comme Brel, qu'est-ce que je l'ai aimé celui-là...
L'inattendu arrive parfois dans des circonstances particulières, comme cette journée chez Renault pour distraire une fois pas an les ouvrières de la chaîne... Qui dans un premier temps préfèrent s'attarder au buffet, puis quelques unes s'approchent de la scène, et en fin de journée, le bouche à oreille a fonctionné, la salle est pleine, et on vient embrasser la chanteuse, qui vient de casser les codes convenus des barrières sociales... à la grande surprise des responsables de l'opération.
Ce kaléidoscope de souvenirs mélange une kyrielle de coups d'éclats, qui furent souvent des coups de maître, pas de nostalgie passéïste, ces années brillantes, elles nourrissent celles d'aujourd'hui, et les spectacles de création, comme celui consacré à Barbara dans les années 2003-2007.
Dans le journal virtuel de la mémoire, passent aussi Mouloudji, Cora Vaucaire, et Michel Vaucaire, les années Sevran, La chance aux chansons, Colette Renard, puis c'est la rencontre avec Clémentine, qui l'invite dans son spectacle à l'Européen, au Théâtre de l'ïle St Louis, et qui devient l'éditrice du coffret panorama d'une carrière aux ricochets heureux.
Dans cette vie d'artiste où les aiguillages font changer de cap parfois de façon totalement inattendue, au bilan, ces aiguillages furent autant de renaissances, et en filigrane, il y eut une ribambelle de ces rôles qu'on dit « petits rôles » et qui mettent souvent du sel et du rire dans les films, les pièces de théâtre, les téléfilms ou les séries télévisées. Mais on n'oublie jamais ses premières amours, la chanson, en art majeur, et dans les années quatre-vingt-dix, Marie-Thérèse Orain revient, « Intacte » dans les nouveaux cabarets : Le Loup du faubourg, Chez Driss, le caféAilleurs, Le Limonaire, Le Picardie, là où toute la jeune scène chanson entre dans la carrière. « J'assume, et je m'assomme », chanteuse, Je suis comédienne, J'suis heureuse, envers et contre tout.
Et en 2014-2015 c'est l'enregistrement d'un album, avec des inédits de Jacques Debronckart, des chansons toutes neuves, et cette rage de vivre, souriante, contagieuse et résolument accrochée aur cœur et au corps.
La belle vie d'artiste de Marie-Thérèse Orain, c'est la bande orchestre de 50 ans de scène, un kaléidoscope musical où chantent Patachou et Savary, Brassens et Offenbach, Breffort et Gribouille, Debronckart et Barbara, l'Échelle de Jacob et le Châtelet, Le Loup du Faubourg et l'Olympia avec étapes à Bobino… Le carnet de route de Marie-Thérèse Orain, c'est le guide du routard du spectacle vivant dans l'école buissonnière du show-biz, un chemin saltimbanque dans tous les sentiers de la création, à l'ombre souvent des grands sunlights, mais au bénéfice de belles rencontres humaines, artistiques, amicales, celles qui laissent des pages de bonheur dans l'album de souvenirs, et qui font oublier les parenthèses moins drôles. Au bilan de ce parcours, il reste cette précieuse, inestimable victoire, être résolument libre, parfaite illustration de la conclusion d'Henri Gougaud : « Ils n'ont pas volé aussi haut qu'ils l'auraient voulu, mais ils ont volé à l'air libre » quand il fait le bilan des années cabaret 50-60.
Au bout d'un entretien biographique, une question peut venir : et si c'était à refaire ? Je n'ai pas posé la question. Comme pour ceux qui ont vu Marie-Thérèse Orain ces derniers temps, la réponse est évidente, cette femme lumineuse n'a rien perdu de sa flamme adolescente, elle est toujours aussi vivace, « Intacte » !
« La chanson est, je crois, plus naturellement partagée. Elle est une activité de l’homme plus directement sensuelle, où la parole, le chant, le mouvement sont intimement liés. (…) Ni la cadette, ni l’aînée de la poésie, elle fait partie au même titre que la poésie, du trésor d’une langue. » (Pierre Seghers)
Et dans les moments de doute, il y eut toujours une fée marraine pour envoyer un passant anonyme dire à la p'tite quelques mots :
« Merci l'artiste, tu es utile, c'est le but supérieur de ce métier, tu es utile... »
20:20 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (0) | Tags : marie-thérèse orain | | | Facebook | Imprimer | |
28/03/2015
5- Les années lyriques,
Cinquième épisode, après avoir été la p'tite qui chante, apprentie star à la conquête de Paris, Marie-Thérèse Orain découvre d'autres aspects de la vie d'artiste au féminin chantant... Voici les années lyriques...
et n'oubliez pas, un coffret, un album, avec des inédits est annoncé:
http://caminoverde.com/spectacles/marie-therese-o......
Et puis, un jour, on m'appelle : « Jean-Albert Cartier veut vous voir. »
Jean-Albert Cartier était le grand patron du Théâtre Musical de Paris (le Châtelet) avec une programmation variée où se mêlent opéras, opérettes, comédies musicales, ballets, concerts et récitals, un des lieux musicaux les plus vivants de la capitale. On y produit La Vie parisienne, La Veuve joyeuse, La Chauve-Souris et La Fille de Madame Angot. On accueille des spectacles prestigieux. Des opérettes à grand succès… Luis Mariano y triompha régulièrement. Jean Guidoni aussi quelques décennies plus tard.
Et passer de la chanson-cabaret à l'art lyrique, c'est passer des salles avec une scène de 4 m2 à une scène de 24 mètres sur 35 et 2 000 places, c'est oublier les moyens techniques comme le micro, il faut une voix…
Quand j'ai eu un message sur mon répondeur au sujet d'un rendez-vous avec Monsieur Cartier, j'ai cru à une erreur. Je rappelle, et je tombe sur la même voix que celle du message et je demande si elle ne s'est pas trompée…
- Vous êtes bien Marie-Thérèse Orain ?- Oui.- Monsieur Cartier m'a demandé de prendre rendez-vous avec le plus tôt possible, demain ?Le lendemain, je mets mon vison – c'était le syndrome du vison, aujourd'hui c'est plutôt Crylor – j'arrive et Monsieur Cartier me reçoit à bras ouverts : « Je suis très heureux, je ne vous connais pas, mais ces jours derniers quatre personnes différentes m'ont parlé de vous ! »
Je n'ai eu qu'à pousser la porte pour signer le contrat, il m'a fait totalement confiance, immédiatement. Il est mon parrain dans le lyrique. J'en avais marre des salles cartons à chaussures, et là, j'ai eu des scènes fabuleuses, comme le Grand Théâtre de Genève, le plus grand plateau d'Europe… Il est arrivé avec la scène lyrique ce qui n'est pas arrivé dans la chanson. Le lyrique, c'est un milieu très organisé, tous les directeurs se connaissent, ils m'ont donné de beaux rôles, de confiance, ce qui ne s'était jamais produit dans le théâtre où il faut refaire ses preuves chaque fois. Je suis arrivée par accident, un accident très heureux…
Dans les cabarets, j'ai eu du boulot tout de suite, avec un répertoire à la portée de toutes les têtes, et avec l'étiquette Rive Gauche. Mais rien n'est jamais acquis.
Ces accidents heureux, il faut aussi qu'ils arrivent au bon moment, ni dix minutes trop tôt, ni dix minutes trop tard.C'était pour Nono Nanette au Grand Théâtre de Nancy. Ensuite il y a eu Savary, pour La Veuve joyeuse au Châtelet. Il fallait cinq couples vedettes titulaires, et des rôles secondaires, des petits rôles. Mais ça ne s'est pas fait spontanément. Savary était venu me voir cinq fois, c'était pour un petit rôle, Pauline. Arias l'a gonflé pour me donner plus de place... sur tous ceux et celles qu'il avait vus, il en a retenu deux, et les a imposés : « Je veux Christian Asse et Marie-Thérèse Orain. » Car il y avait eu des objections de l'agent très réticent en ce qui me concernait: « Mais c'est un rôle qu'on donne à une choriste ! » - Savary : Cette femme me fait rire, je la veux !
Ce spectacle a été diversement reçu, les mémés à frisettes étaient frustrées, pas assez de valses et de Vienne, et les modernes trouvaient que ça n'allait pas assez loin.
Ensuite, à Genève, Hugues Gall, futur directeur de l'Opéra Bastille, a été beaucoup plus audacieux... Il viré Arias, a gardé Savary. Hugues Gall, c'était un bon copain, mais il était souvent de mauvaise humeur. Dans ces cas-là, quand j'arrivais, les collègues m'envoyaient en mission : « Y a le patron qui fait la gueule, fais-le rigoler… »
C'était très différent du théâtre où c'est le plus souvent la famille des Atrides… J'ai été très heureuse dans le lyrique : plus on monte haut, plus c'est sympa. C'est comme les sportifs de haut niveau, il y a l'esprit de compétition, mais dans un bon esprit, et avec les stars, je n'étais pas une concurrente, les collègues étaient très gentilles, j'étais la bonne copine très appréciée.
C'est aussi une discipline exigeante… le travail de la voix. J'ai eu un professeur de chant extraordinaire, expert pour sauver la voix, la faire, la bâtir, permettre d'être prête pour ces belles scènes et ces beaux rôles et les aborder avec cet enthousiasme que j'adorais voir chez Brel, Patachou, Colette Renard…Mes possibilités étaient trop limitées pour l'opéra, mais pour frimer, je pouvais quand même dire que j'étais dans du Mozart avec Prima la musica.
Ces vingt années heureuses sont autant de très belles pages dans le carnet de notes de la p'tite qui chantait au Café de Paris. Mais ce n'est pas fini …
Avant le 12 Avril, le dernier épisode avant la publication de son album "Intacte".
00:41 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (2) | Tags : marie-thérèse orain | | | Facebook | Imprimer | |
28/02/2015
Etre une femme qui chante
Quatrième épisode, après avoir été la p'tite qui chante, apprentie star à la conquête de Paris, Marie-Thérèse Orain découvre d'autres aspects de la vie d'artiste au féminin chantant...
et n'oubliez pas, un coffret, un album, avec des inédits est annoncé:
http://caminoverde.com/spectacles/marie-therese-orain.php...
Mais le temps des cabarets n'a pas été toujours facile. Dans une vie d'artiste, si le talent est là, ce n'est pas toujours suffisant, il faut prendre en compte des critères non écrits, surtout quand on est une femme.
Quand on est une artiste femme certaines portes restent fermées...
Outre cet aspect de la question, il y a d'autres données à considérer, et Marie-Thérèse Orain analyse les choses avec lucidité. Quand elle commence à avoir un début de notoriété, c'est dans la mouvance des cabarets rive gauche, des chansons à texte, et c'est à ce moment qu'arrive la déferlante des yé-yés, le temps des copains, ces sixties que Michel Jonasz définit par :
"On les appelait les années soixante parce qu'il naissait un groupe de rock toutes les soixante secondes."
Les maisons de disques produisent n'importe qui faisant du simili rock look ersatz USA : " Si t'as pas une guitare électrique et un 45 tours à 20 ans, t'as raté ta vie, coco… "
Marie-Thérèse est cataloguée rive gauche, le sceau presque infamant des valeurs dépassées par les Johnny-Sylvie-Richard-Frank-Sheila-Dick-Eddy, idoles des jeunes, c'est le temps où j'ai beaucoup pleuré… dit la chanteuse rive gauche. Le temps du twist, le temps du triste qui vous fiche has-been à 25 ans.
C'est une question de timing avec l'époque, avec la mode, il faut arriver au bon moment… C'est même parfois plus important que le talent. Et puis quand on est une femme, il y a des choix à faire, accepter ou pas les opportunités horizontales. Un patron de maison de disques m'a dit en face, après avoir évalué la bête : « Votre album est très bien, mais ça ne se vendra pas. Cherchez quelqu'un qui a 30 millions (d'anciens francs) à perdre… » Voilà pourquoi je n'ai pas fait d'album… même si j'avais certains arguments. Julien Clerc, ou Bruel sont arrivés à un moment où le public désirait inconsciemment quelque chose. Il faut avoir le physique et le style qui va avec l'époque, et les relations qui permettent de s'installer.
En resituant ce qu'était cette époque de transition vers le marketing yé-yé, le label virtuel Rive Gauche était un vrai défi aux maisons de disques. L'arrivée des ACI dans les années 50 avait déjà perturbé les structures en place, celles des grandes entreprises musicales ayant le contrôle de toute la chaîne de la chanson : un chanteur ayant un potentiel supposé, se voyait fournir par son employeur toute une équipe, le parolier, le compositeur, l'éditeur, le studio, le tailleur, le coiffeur... La règle était la chanson-maison mise en succès par un chanteur, suivie dans la foulée par un disque orchestre, et une version musette, car le sam'di soir après l'turbin, ou le dimanche soir, ça guinche un peu partout, et passez la monnaie. Qu'importe ce qu'on chante pourvu que ça se danse avec droits Sacem y afférents. L'Auteur-Compositeur-Interprète , cet artiste artisan quasi autonome, c'est un pied de nez aux « marchands », et dans show-biz, il y a surtout bizness du show. Très tôt Guy Béart devient son propre producteur éditeur, d'autres suivront, Salvador, Mouloudji... |
Marie-Thérèse Orain était dans cette ligne artistique,dite rive gauche, et il fallut bien du talent, et de la volonté pour tailler sa route sans naufrager dans la vague yé-yé. « Le talent, c'est vouloir. » selon Jacques Brel, l'artiste majeur de mademoiselle Orain. Je sortais d'un concert de Brel trempée comme si j'avais fait le spectacle, c'était torrentiel, c'est le chanteur qui m'a le plus bouleversée.
C'était aussi le temps où nombre de journalistes conseillaient à Brel, Brassens, Aznavour, Béart de faire chanter leurs œuvres par des vrais chanteurs. Et quand une femme arrive en auteur-compositeur-interprète, tous les moyens sont bons pour la faire taire. Nicole Louvier n'a pas pu résister au rouleau compresseur des marchands. Mais elle a contribué à ouvrir la voie à Anne Sylvestre deux ou trois ans plus tard. Au cours de cette période riche de péripéties, Marie-Thérèse Orain a souvent le sentiment d'être un papillon qu'on bride dans ses envols. Mais...
Dans une période qui n'était peut-être pas la plus enthousiasmante, quand le doute menace, arrive un de ces petits miracles qui vous sauvent la vie d'artiste. Un soir de cabaret, après le spectacle, un monsieur un peu timide s'approche : « Moi je n'y connais rien en spectacle, je suis garçon de café, mais ma femme, elle a l'œil, et ma femme, elle a dit: elle ira loin, la p'tite. » C'était peut-être écrit quand la p'tite avait 4 ans, et ce clin d'œil amical est toujours resté dans le cœur de la p'tite… C'est devenu une chanson, « Va lui dire à la p’tite », écrite et composée en 2014 pour Marie-Thérèse Orain par son amie Anne Sylvestre. Et la vie saltimbanque continue.
Depuis vingt ans Marie-Thérèse Orain a multiplié les petits rôles, au théâtre, au cinéma, ces personnages pittoresques qui éclaboussent d'un éclat de rire ou de soleil et qui donnent du peps à des comédies plus ou moins réussies. La petite bonne rigolote, la fille délurée à la langue verte et gouailleuse, c'est le bonheur des dialoguistes, la jarretelle sur le bas, le mot qui cueille le spectateur la réplique qui jubile. C'est un de ces rôles qui va ouvrir les portes d'un domaine nouveau pour la chanteuse de cabaret, l'art lyrique, les opérettes, l'opéra comique. Elle est remarquée par Jérôme Savary et Alfredo Arias, et la voici embarquée dans des années lyriques, tout à fait inattendues. Comme l'a dit Brassens, dans un autre contexte, sans technique, un don n'est qu'une sale manie. Quand passe le hasard, d'abord, il ne faut pas le rater, mais surtout, il faut être prêt. Et chaque fois Marie-Thérèse Orain était prête à attraper la queue du Mickey pour un nouvel envol.
Pour mon premier Bobino, je chantais depuis 3 ou 4 mois, il s'est passé ce que les jeunes d'aujourd'hui ne peuvent même pas imaginer, quand je raconte, ils doivent se demander de quel temps des diplodocus je parle...
A Bobino, on passait des auditions, avec le pianiste de fonction, des très bons musiciens, je crache mes deux chansons, et sitôt dit sitôt fait, vous faites les trois semaines de décembre, pour les fêtes. Les Trois Ménestrels étaient les têtes d'affiche, il y avait Anne Sylvestre que je connaissais depuis le Port du Salut, et pendant 3 semaines, c'était bourré comme un canon... ça s'est passé comme ça, sans piston, sans bakchich...
à suivre, la semaine prochaine si tout va bien...
18:39 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (2) | Tags : marie-thérèse orain, guy béart, mouloudji, anne sylvestre | | | Facebook | Imprimer | |