22/08/2015
Freddy Taylor, Django, Stéphane et les autres
En attendant de retrouver Doc Caloweb dans la saga de ses souvenirs, suivons la route des quatre chansons dans la vie musicale des années 30 et du jazz à la française, que les américains venaient partager à Paris...
Dans un précédent tour d'horizon avec Django et Jean, Reinhardt et Sablon, quelques belles pépites ont montré les liens étroits que le jazz entretenait avec la chanson, et surtout la complicité rieuse, amicale qui faisait une fête des séances d'enregistrement. Un rappel : en ces temps anciens, on gravait la musique sur des galettes de cire, un seul micro, tout le monde autour, on arrivait au top de son art, et en 3 mn c'était emballé. Sinon on recommençait tout.
On peut imaginer qu'on avait répété avant, qu'on avait joué, au sens ludique, et ça s'entend souvent dans la guitare chantante de Django quand il accompagne son crooner préféré. Mais il n'y a pas eu que Sablon dans la vie musicale de Django, le jeu avec un chanteur lui a plu puisque d'autres invités ont été conviés et ce qui change de ses participations avec Sablon, où il était la cerise sur le gâteau, c'est qu'il devient, avec Grappelli le maître du jeu, celui qui reçoit, qui invite, et il choisit bien ses partenaires. Freddy Taylor sera un des plus présents au cours de ces années de plus grande création du Quintette du Hot Club de France.
Dans ce premier morceau, Freddy salue ses compagnons... « Django's muggin, Stephen's muggin » dont on ne sait exactement le sens, mais un private joke très codé est plus que probable... et pas forcément avouable..
I'se A Muggin'
I'se A Muggin', Django Reinhardt et le Quintette du Hot Club de France, Stéphane Grappelli (v); Django Reinhardt (g solo); Joseph Reinhardt, Pierre "Baro" Ferret (g); Louis Vola (b); Freddy Taylor (vo) Paris 04.05.1936
Un des plus beaux exemples de cette fusion entre chanson et guitare c'est Georgia in my mind, et les deux guitaristes d'accompagnement sont deux pointures du genre, Joseph Reinhardt et Baro Ferret.
Django Reinhardt et le Quintette du Hot Club de France, Stéphane Grappelli (v); Django Reinhardt (g solo); Joseph Reinhardt, Pierre "Baro" Ferret (g); Louis Vola (b); Freddy Taylor (vo) 15 Octobre 1936- Gramophone, Paris
Et quelques autres beaux moments de chants et de jazz..
I Can't Give You Anything But Love
(Django Reinhardt & Freddy Taylor - Paris, 04.05.1936)
Shine
(Django Reinhardt - Freddy Taylor -Paris, 15.10.1936)
After You've Gone
(Freddy Taylor & Django Reinhardt - 4 Mai 1936 - Gramophone, Paris (Django Reinhardt et le Quintette du Hot Club de France, avec Stéphane Grappelli (v); Django Reinhardt (g solo); Joseph Reinhardt, Pierre "Baro" Ferret (g); Lucien Simoens (b); Freddy Taylor (vo) )
Django et ses amis américains,
I Ain't got nobody
Avec Freddy Taylor (voix); Benny Carter (saxophone alto , trompette); Frank "Big Boy" Goudie (saxophone ténor, trompette, clarinette); Coleman Hawkins (saxophone ténor ); Bill Coleman, Arthur Briggs (trompette); Dicky Wells (trombone); Rex Stewart, Barney Bigard (clarinette); Larry Adler (harmonica); Stéphane Grappelli (violon, piano); Eddie South (violon); Garnet Clark (piano).
Autre moment Blue drag, il n'y a pas Freddy, mais quelle superbe guitare ! (Une des Selmer-Maccaferri, LA guitare du jazz français)
NB : contrairement à ce que disaient quelques gentils médisants, Grappelli ne s'est pas fait noter Grappelly par snobisme anglophile, mais pour qu'on prononce son nom correctement, et pas Grappellaye... D'ailleurs ses autographes de l'époque – on en voit un sur vidéo- signent Grappelli. A l'italienne.
Norbert Gabriel
PS: la Selmer née Maccaferri, c'est elle ! (ici celle de Crolla, la 453)
PS2 Pour les fans de guitare, l'histoire, et le rôle des Maccaferri-Selmer dans le jazz français, c'est là:
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/un...
11:03 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (7) | Tags : django, django reinhardt, freddy taylor | | | Facebook | Imprimer | |
14/08/2015
L'enfance de l'art de Crolla
C'era una volta, Rico, un ragazzino napolitano...
Once upon a time, Rico, a kid of Napoli...
Il était une fois, Riton, un titi de la zone porte de Choisy... Riton, que Prévert rebaptisa Mille Pattes pour son agilité à faire jaillir des cascades de notes de son banjo-mandoline. En ce temps-là, début des années 30, Rico est un p'tit môme qui vit porte de Choisy, c'est la zone, terrain vague où cohabitent les baraques et les verdines manouches. Ce n'est pas un bidonville de miséreux sans travail, les baraques sont souvent des petites maisons en bois -genre abri de jardin 2015- habitations sommaires construites pas des ouvriers en mal de logement. On y est au sec, l'eau courante court à la fontaine publique voisine de 50 ou 100 mètres. Les parents de Rico, Térésa et Antonio Crolla sont musiciens, ils ont connu des tournées prospères en Allemagne et en Bavière, avant 1914, et les 4 premiers nés sont nés au hasard des tournées. Rico naît à Naples, retour obligé à cause de la guerre, et déclassement social, c'est quasiment la misère, et c'est le départ pour Paris. Le père de Térésa leur a préparé une « baraque » porte de Choisy. Là Rico fait l'école buissonnière avant l'heure, il est souvent chez des voisins, des voyageurs en verdine, les Reinhardt, dont le fils aîné commence à être un banjoïste reconnu. Lui, c'est avec les petits frère et sœurs qu'il joue. Et de temps en temps, Madeleine, sa sœur aînée, lui prête la mandoline de maman Térésa, il a 3 ou 4 ans...
Vers 8 ans il a beaucoup plus envie de promenade que d'école, il rentre tranquille d'une journée 'a spasso' (en ballade.) au lieu d'aller en classe. Et vers 10/11 ans, il va jouer dans les rues, tous les airs populaires du répertoire, les chansons les plus en vogue, de préférence devant les cafés chics, comme La Coupole, où il a été immortalisé sur un pilier par un des peintres de Montparnasse.
Avec son banjo-mandoline et ses doigts 'Mille Pattes', il épate les passants et passez la monnaie. Un jour devant la Rhumerie Martiniquaise, il commence sa journée, deux consommateurs séduits par ce môme étonnant, lui donnent 'une grosse pièce' (dans les 50 €.) et la réponse fuse, « Mais m'sieur j'ai pas de monnaie ».... Lou Bonin "Tchimoukov" et Sylvain Itkine, du groupe Octobre viennent de tomber en amour pour Rico-Riton... Il a 13 ans, et ils l'emmènent chez Prévert et Grimault, lequel habite près de la porte d'Italie. Et c'est chez Paul Grimault qu'il aura une vraie chambre, Prévert son père adoptif vivant surtout à l'hôtel. Dans cette chambre, Paul Grimault l'enferme de temps en temps pour travailler sa guitare. Car on lui a chouré son banjo, et Grimault, amateur de jazz et guitariste lui donne une guitare. Riton devient Mille Pattes, il a souvent entendu Django, mais ne le connaît pas encore personnellement... Quelques années plus tard, en 1938, Henri Crolla est devenu un des espoirs du jazz, qui joue régulièrement dans les clubs de la rue Delambre, avec Gus Viseur, et Coleman Hawkins, Bill Coleman ces jazzmen américains qui découvrent qu'en France un nègre n'est pas forcément un sous-homme.
Consécration pour Rico-Riton-Henri, on lui tire le portrait chez Harcourt, avec sa mythique Selmer-Maccaferri 453 qui ne le quittera jamais.
La guerre de 39-40 l'emmène dans quelques péripéties italo-burlesques, car il est encore italien et mobilisé à Naples. On peut résumer sa guerre en deux périodes, une de 2 mois, l'autre de 8 mois.
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Arrivée au bureau d'incorporation avec une grande détermination: « Mon lieutenant, ne perdons pas de temps, donnez-moi un fusil, faites-moi la liste des gens à descendre et qu'on en finisse.. »
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Le lieutenant, un napolitain très zen : Qu'est-ce que vous faîtes dans la vie ?
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Je suis guitariste...
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Eco,va bene.. Vous allez me donner des cours de guitare...
Deux mois de leçons, Crolla déserte, et remonte à pied du Sud de l'Italie pour revenir à Paris... la promenade dure 8 mois.. Mais ceci est une autre histoire...
Elle continue à Paris, travailleur clandestin, musicien, frère de rue de Mouloudji, qu'il accompagne dans quelques cabarets, avec une chanson qui leur ressemble « Papillon de Norvège »... pour le côté papillon, pas pour la Norvège...
Quelques notes de jazz populaire , pour accompagner la ballade...
On ne peut finir que Tenderly …
Liens http://resistancechanson.hautetfort.com/tag/henri+crolla
17:06 Publié dans chanson, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (7) | Tags : crolla, mouloudji, prévert | | | Facebook | Imprimer | |
04/08/2015
Brut de Bratsch
Ou le temps suspendu…
La world music n’existait pas encore, et le folk était dans ses grandes années, et Bratsch créa un folk métissé des musiques d’Europe Centrale, des musiques sans domicile fixe par excellence. Celles qui suivent le vent et les nuages vers un horizon toujours lointain, celui qu'on atteint jamais, mais l’important n’est pas le bout de la route, mais la route.
Après 40 ans de voyages dans 32 pays, Bratsch va tirer sa révérence, il reste quelques mois pour les voir en scène, et ce sera un final parisien fin décembre 2015. Aventure particulière d'un groupe qui a toujours fonctionné en autogestion, et qui a traversé 40 ans de vie du spectacle.
En attendant, pour patienter avant la der des der, il y a un coffret, trois CD, un DVD, un livret de 142 (!!) pages qui retrace leur histoire, la genèse du groupe, avec de belles photos, en couleurs.
Dans ce Brut de Bratsch, il y a la quintessence de leur art, ce kaléîdoscope de musiques de toutes les couleurs, qui part de l’Europe Centrale et se pare de quelques touches de jazz, de musette, de mélodies méditerranéennes, de chansons et ces heureuses rencontres donnent la touche Bratsch, unique. Et toujours en mouvement. Ils sont aussi des fils du vent…
Ceux dont Herbert Pagani disait: Cousins de Manitas ou frères d’Arménie, on dit qu’ils sont barbares, ils parlent au moins 3 langues, exercent dix métiers et savent faire l’amour à tous les instruments… Mangeurs de lune, guetteurs d’arc-en-ciel et de chemins d’étoiles, ils inventent des musiques métissées de toutes les douleurs, des chants de cœur battant, de cicatrices ouvertes, éclats de rêves et de vie d’instants éparpillés gaiement le long du parcours, paillettes de mémoire pour orpailleur du temps, ils ont l’âme tatouée d’un chemin destiné à n’arriver jamais, comme un souvenir qui marche, en quête d’une seule fraternité d’humains… Comme au début du monde. Et même si l’horizon est toujours un peu loin, c’est pas grave, demain est un autre jour, et latcho drom.
Il était une fois, Bratsch. Voilà quelques pages de leur histoire:
Carnet de route: 2300 concerts, 32 pays et 24 capitales, 590 postes frontières, 240 chansons enregistrées, 17 albums officiels, 14 CDs, et 3 albums vinyle...
En scène: Dan Gharibian : guitare, bouzouki, chant ; Bruno Girard : violon, chant ; Théo Girard : contrebasse; Nano Peylet : clarinette, chant ; François Castiello : accordéon, chant. (En coulisse, Pierre Sampagnay régisseur son et Jean-Maurice Dutriaux régisseur lumière.)
Photos NGabriel à l'Européen 2014
Une très grande chanson : le mangeur de lune.
Norbert Gabriel
00:12 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (3) | Tags : bratsch, dan gahribian, bruno girard, théo girard, nano peylet, françois castiello | | | Facebook | Imprimer | |