28/07/2014
Création et chanson...
La chanson de création, je suis pour... Encore faut-il s'entendre sur ce qu'on entend par là. La réduction de « création » aux Auteurs qui chantent nous aurait privé de quelques chansons de Queneau, Si tu t'imagines, de Sartre, La rue de Blancs manteaux, de Raymond Asso, Mon légionnaire, de Dimey, Syracuse, s'il n'y avait eu « que » des interprètes comme Juliette Gréco, Marie Dubas, et Edith Piaf, Montand, complétez la liste à votre idée. Et aussi Aragon, L'affiche rouge (et quelques autres) qui a été interprété par Ferré après avoir été mis en musique. Catherine Sauvage, ou Annick Cisaruk aujourd'hui ont donné à Ferré des interprétations exceptionnelles qui l'ont porté vers un plus grand public. Faudra-t-il oublier Leprest, puisqu'il n'est plus chanteur ?
Guidoni chantant Leprest, ce ne serait pas de la création ? Et Claire Elzière, avec un album comportant 10 chansons inédites de Leprest?
La sectorisation implacable « les ACI ou rien » est aussi une forme de sectarisme. Heureusement, l'évidence et le réalisme ouvrent parfois les yeux (et les oreilles) Un patron de festival faisant profession de foi de n'avoir que des ACI ne s'est pas privé d'inviter un spectacle sur Barbara, un autre sur Leprest et un troisième sur Ferré, très « reprises » puisque c'est le terme utilisé qui dévalue l'interprétation quand il s'agit du répertoire en chanson. Qui est la seule à bénéficier de cette condescendance vaguement méprisante, aurait-on dans l'idée de dire que la Callas a fait des reprises de Lucie de Lammermoor, parce que Fanny Tacchinardi-Persiani a créé le rôle et les grands airs en 1839?
Evidemment, l'Opéra et la canzonetta, faut pas mélanger... Quoi que... Caruso n'a pas eu d'état d'âme à chanter le classique Rigoletto et Ô sole mio, la canzonetta italiana par excellence.
Le spectacle vivant ne devrait pas se priver du répertoire de Dimey, de Brel, de Barbara, de Bécaud, au prétexte qu'ils ne sont plus sur scène. Et le festival Dimey, entre autres, n'aurait plus de raison d'être. D'autant qu'une fois vus revus et re-re-entendus, les standards multi rabâchés, il y a des trésors dans les textes de Dimey, qui mériteraient ce qu'a fait Madeleine Ferré avec Aragon, par exemple, un découpage réduction d'un long poème du Roman inachevé pour en faire une chanson, L'étrangère ... Dimey, c'est des textes grandioses, La mer à boire, Testament, Manque à vivre, Le bestiaire de Paris, Je ne dirai pas tout, au lyrisme lucide et désespéré, d'une profonde humanité, qui ne transparaît pas toujours dans les chansons cul-rieuses auxquelles il est réduit parfois.
Un autre intérêt de s'intéresser à la chanson du répertoire, c'est qu'elle permet un étalonnement des valeurs. On peut prendre en référence, la version actualisée chaque année de ce pamphlet « Les temps difficiles »... par Bernard Joyet, un véritable hommage à Ferré, tant dans le fond que la forme. On peut aussi y ajouter la très belle mise en musique de « Pépère » un texte de Dimey, par Catherine Bedez pour le spectacle "Valérie Mischler chante Dimey", projet initié par Michel Célie il y a quelques années. Depuis Valérie Mischler est aussi auteur de ses chansons.
La chanson de création, c'est aussi une formidable version de Federico Garcia, par Claire Guyot, avec un prolongement tiré du Romancero gitano, mis en guitare magnifiquement par Yorfela.
Il y a quelques années, avant de devenir ACI, Agnès Debord a remis dans leur jeune âge les chansons des années 30-40, celles qu'on entend chantées par des grands mères, mais qui ont été créées par des jeunes femmes accortes et impertinentes, ce qu'Agnès Debord représente très bien dans toutes les acceptions des termes. C'est ce genre de chanson que j'aime, sans étiquette ni label superflu, pourvu qu'elle soit vivante.
Les chansons... Les chansons venues du fond des âges
De l´époque où le roi faisait battre tambour
Jusqu´au Temps des cerises, le plus bel héritage
Le plus joli fleuron de la chanson d´amour
J´aurais tellement aimé écrire La vie en rose
Croiser Monsieur William entre Ostende et Paris
Sur le port d´Amsterdam cultiver ma cirrhose
C´est du Petit bonheur mais ça n´a pas de prix
Les chansons... Les refrains qu´on fredonne en sourdine
Entre l´île Saint-Louis et le pont Mirabeau
Quand Mon pote le Gitan s´endort dans sa verdine
C´est comme un beau poison qu´on aurait dans la peau
Moi qu´écris des chansons pour occuper mes heures
Je voudrais en faire une qu´on n´oublierait jamais
Afin que, parmi vous, un peu de moi demeure
Comme une fleur vivace aux Marches du palais.
Salut Dimey !
Norbert Gabriel
Extrait de "Moi qu'écris des chansons" Bernard Dimey
16:16 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (1) | Tags : chanson, dimey, marie dubas, agnès debord, valérie mischler, claire guyot | | | Facebook | Imprimer | |
09/04/2014
Histoire de faussaire, mais pas que ...
Quand on n’a pas le talent de peindre la Joconde, on lui met des moustaches et un nez rouge et on a son quart d’heure de gloire artificieuse.
Dans le petit monde de la chanson, on a aussi ce genre de turlupins, qui viennent faire un hold-up dans le répertoire d’un auteur très connu, mort si possible, pour récupérer une once de plus value dans « leur art ». Dont l’expression est plus proche de la parodie que de l’hommage, sans toutefois assumer le côté parodie. Le dernier exemple est de ce mardi matin 8 avril sur Inter, avec un groupe qui surfe, comme ils disent, sur quelques chansons connues. Leur victime du jour est Brassens. Qui a déjà subi quelques avanies remarquables, tout comme Ferré dans des hommages-dommages assez consternants. Comme on n’ose pas s’attaquer aux textes, même si certains osent tout, il y a des limites, c’est donc la musique qu’on va massacrer, avec les mêmes constantes, on part d’une musique plutôt riche et on l’émascule pour en faire un ersatz qui «surfe» en accréditant ainsi les avis des primaires du solfège qui disaient que Brassens n’était pas « musical ». C’est sans doute pour ça que le jazz s’est souvent régalé avec les compositions de Brassens… Je ne crois pas avoir entendu l’équivalent avec les oeuvres de Plastic Bertrand, référence citée pour ce groupe « Hangar » dans ce happening, dont France-Inter nous a offert un aperçu… (dans une séquence que je suis avec assiduïté, d’où la surprise)
La mauvaise réputation revisitée par Hangar, c’est Rhapsody in blue, jouée sur un clavier Bontempi dont on n’utiliserait que quatre ou cinq notes… Et si on efface les paroles pour écouter la musique nouvelle, je mets au défi un musicien non prévenu de reconnaître Brassens, mais comme l’a dit un des intervenants, y a du Plastic Bertrand. Qui comme chacun sait, est un véritable frère de paroles et de musique de Brassens…
La liste des catastrophes musicales de cet acabit est longue. Hélas… Ferré qui se voulait autant musicien qu’auteur a eu aussi à subir les attentats de ces révisionnistes du répertoire. Dont les actions n’ont pas d’autre justification qu’une sorte d’opportunisme de marketing, soufflé par un communicant quelconque, à des gens qui n’ont dû écouter leur artiste reprisé qu’en pointillés. Et surtout entre les points. Il semble que cette re-création de Hangar est un « live » réservé aux (mal)heureux auditeurs de France Inter, qui ne méritent pas ça… Enfin, au moins pour ce mardi. Lors des présentations et interviews diverses pour la promo de ces hommages, (en général) il est apparu clairement qu’une bonne partie des fervents dévots conviés à la grand’messe ne connaissaient que la chanson à eux dévolue, et un ou deux éléments de langage sur l’artiste objet de leur attention éphémère. Par chance dans ce genre d’exercice, il est fréquent que l’interviouveur n’en sache pas plus que l’interviewé, ça évite les grosses bévues, mais pas toujours…
Pour cette mauvaise interprétation de la mauvaise réputation, made in Hangar, la séquence dite musicale ne devrait pas figurer sur un album, en vertu du respect minimum dû à une chanson, qui impose de ne pas dénaturer par des initiatives saugrenues ce qui a été déposé à la Sacem sous peine de réparation judiciaire.
Mais en direct, on peut tout oser. Y compris sur une radio nationale. Dans un album censé être un hommage à Ferré, il y a bien eu une version émasculée de musique avec « Thank You Satan » dans une version rock par Dyonisos, mieux inspiré d’habitude ; rock de la famille de 3 accords pas plus, faut pas exagérer… On n’est pas dans ces allumés du jazz qui s’égarent dans des harmonies sophistiquées… Django, avec 3 doigts et demi joue 250 accords, un rockeur avec 5 doigts va parfois à 6 accords dans ses jours de d’enthousiasme musical le plus échevelé.
A la liste qui s’allonge chaque jour des hommages désobligeants, Reggiani a eu sa part, Moustaki y a échappé, et si le pire n’est jamais sûr, il devient une probabilité menaçante.
Mais tout n’est pas si noir, il y a depuis quelques années, de très belles interprétations de Ferré dans les Jours Ferré. Prochaine édition dans trois semaines, avec des artistes interprètes de très haut niveau, genre Annick Cisaruk, une des très grandes, elle ne sera pas là cette année, elle a emballé le public ces dernières années, mais la relève est assurée. Le pire n’est jamais sûr, certes, et là, on vérifie qu’on n’est jamais à l’abri d’une bonne nouvelle.
Pour les renseignements, tarifs de groupe, pass 2 jours, une seule adresse: l'Européen.
http://www.leuropeen.info/index.php?wh=programme&evt=705#705
Norbert Gabriel
17:48 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (0) | Tags : jours ferré, kent, nilda fernandez, valérie mischler, bernard joyet, claire guyot, michel buhler, marie-lou nezeys | | | Facebook | Imprimer | |