Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/12/2017

Histoire d'une chanson, dans les plaines du Far West, ou comment Montand était aussi en partie « auteur » dans la construction de son répertoire chanson...

Version initiale (Trouvée by internet, je ne garantis la totale authenticité..)

Tout le long du jour sur leurs beaux chevaux Ya oh !
Bingue bongue ! bingue bongue ! ils lancent des lassos
Ils font le tour dans le soleil chaud Ya oh !
Ils s'en vont toujours sans trêve ni repos
mais quand sont parqués les grands boeufs noirs
Ah comme il est bon de se revoir

Refrain :
Dans les plaines du Far-West quand viendra la nuit
Les cow-boy dans le bivouac sont réunis
Près du feu, sous le ciel de l'Arizona
C'est la fête aux accords d'un harmonica
Et leur chant, plein d'amour et de désir
Dans le vent porte au loin des souvenirs
Dans les plaines du Far-West quand viendra la nuit
Les cow-boy dans le bivouac sont réunis

Ils sont de New-York ou de Chicago Ya oh !

Bingue bongue ! bingue bongue ! ou du Colorado
Ils faut les voir le jour du rodéo Ya oh !
Par les cornes saisir le plus fort toro
Mais quand le jour tombe à l'horizon
Loin de la douceur d'une maison

Dans les plaines du Far-West quand viendra la nuit
Les cow-boy dans le bivouac sont réunis
Près du feu, sous le ciel de l'Arizona
C'est la fête aux accords d'un harmonica
Et leur chant, plein d'amour et de désir
Dans le vent porte au loin des souvenirs
Dans les plaines du Far-West quand viendra la nuit
Les cow-boy dans le bivouac sont réunis

Dans les plaines du Far-West quand viendra la nuit
Les cow-boy dans le bivouac sont réunis
Près du feu, sous le ciel de l'Arizona
C'est la fête aux accords d'un harmonica
Mais bientôt sous la lune aux rayons blancs
Dos à dos et fermant les yeuxd'enfants

Dans les plaines du Far-West quand vient la nuit
Les cow-boys dans le bivouac sont endormis


Et maintenant voici comment Montand l'a chantée, dans ses derniers shows essayez de suivre avec la version première..

 


 

et la version sobre 1959, plus simple,


Et pour le premier enregistrement vers les années 46-47, très sensiblement différente de la version initiale c'est le moins qu'on puisse qu'on puisse dire..


Dans une petite discussion récente sur FB, le sujet des interprètes dans la chanson a amené Montand au centre du débat, indirectement avec une vidéo dans laquelle une intro parlée intriguait les participants. Montand avait gardé cette chanson emblématique dans ses spectacles, en faisant une sorte de sketch en presqu'autodérision dans les années 80.

Mais il est peut-être bon de revenir sur la genèse de cette chanson qui montre le formidable instinct de Montand dans son approche et ses choix.

1940-41. Il est un débutant marseillais qui se cherche entre Trenet Chevalier et Fernandel, son premier nom de scène Trechenel est un condensé de son premier répertoire puisé dans celui de ces trois vedettes. Ça démarre très vite , mais il comprend immédiatement qu'il lui faut des chansons à lui. Dans ces années 40, et depuis son adolescence il est fasciné par le cinéma américain et les westerns, et il veut une chanson western. Son premier manager l'envoie rencontrer un auteur et un compositeur marseillais, qui n'ont pas grand chose à lui offrir, mais Montand sait leur raconter son univers western, l'un des deux Charles Humel est aveugle, et n'a jamais vu de western, et pourtant ils lui font cette chanson cartoon qui sera son premier succès. (Prix du disque 47)

YVES_Montand 1.jpgC'est aussi dans ce contexte que Montand casse tous les codes vestimentaires en vigueur, il avait au début une sorte de tenue très fantaisie, en rapport avec son répertoire, mais à cause d'une interpellation moqueuse d'un titi marseillais il change tout, plus de veste à carreaux,  cravate, il garde la chemise et le pantalon sombre, marron, en quelque sorte l'équivalent de la petite robe noire de Piaf, qu'il ne connait pas encore. En quelques mois, le débutant a compris comment il va se faire un répertoire, et trouvé la tenue de scène qu'il gardera pour les grandes années music hall 45-60. Décisions personnelles sans aucun conseiller.

Edith Piaf lui fera passer quelques étapes avec la suggestion d'oublier le répertoire américain, et en facilitant le contact avec d'autres auteurs. Dont Prévert. Et la rencontre avec Prévert est aussi symptomatique de la vista de Montand en matière de chanson. Prévert va lui présenter une chanson qu'il pense faite pour lui « la chanson des cireurs de souliers » il avait demandé à Henri Crolla de fair une musique sur ce texte assez acrobatique, et Crolla a composé une musique jazzy tout aussi acrobatique, Montand découvre cette chanson avec enthousiasme, et bien que très impressionné par Prévert, il n'hésite pas à suggérer une modification de la fin de la chanson*, que Prévert accepte volontiers. Montand fera souvent des propositions, que les auteurs acceptent, car il a un sens inné de la chanson, et de son impact. Comme avec « Du soleil plein la tête » en modifiant l'ordre des strophes. Et parfois en suggérant quelque chose de totalement inattendu, Barbara dit sans musique, ou en demandant de faire une chanson du texte de Gébé... Parfois, il a eu besoin de s'appuyer sur les conseils de Simone, de Bobby, ou de Crolla (qui a insisté avec succès pour « Mon pote le gitan ») mais globalement ses choix étaient justes.

 

Montand jongle.jpgMontand a poussé très loin le soin de mettre en scène ses chansons, certaines demandaient un travail de mise au point d'une exigence extrême, des heures de travail pour le coup de cymbale dans « Battling Joe » des heures de travail pour les mouvements de danse, ou une jonglerie....

Le débat avait été initié par une observation sur Johnny Hallyday, interprète, pour arriver à Montand, et en conclusion, une réflexion récente de Johnny qui resitue très bien ce qu'ils ont été l'un et l'autre, comprend qui peut,

 Une chanson est une bonne chanson quand on ne se force pas à la chanter. Je me suis beaucoup forcé. 

 

Norbert Gabriel

 

 * La chanson des cireurs des souliers"  devient "Les cireurs de souliers de Broadway" et  la fin suggérée par Montand est très différente de l'originale. Cette chanson ayant été déposée dans la version Montand, on ne connait donc pas la fin avec la musique qui l'accompagnait, les archives de Crolla ayant disparu...

 

 

19:34 Publié dans Blog, chanson, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (3) | Tags : yves montand, johnny hallyday | | |  Facebook |  Imprimer | | | |

17/02/2014

La Solitude du chanteur de fond

 

 montand ombre 2.jpgMontand a toujours été un perfectionniste qui travaillait avec une extrème exigence chaque chanson, et chaque scénographie relative à cette chanson. Un professionnalisme qui tenait à son caractère anxieux, inquiet, celui du môme de La Cabucelle, fils d'immigré, qui doit être « commifo » dans chaque situation. Et qui s'est confronté à ses débuts au public de l'Alcazar de Marseille, un des publics les plus exigeants, et souvent  féroce avec les artistes quels qu'ils soient .

 Le succès est venu très vite, quand Piaf doit l'avoir en première partie, elle n'est pas emballée outre mesure, cette vedette qui monte, ça va lui faire de l'ombre, mais elle va voir ce qu'il en est, et perçoit immédiatement le potentiel. Elle m'a fait gagner plusieurs années, dira Montand. Qui comprend très vite la nécessité d'avoir son équipe, et quand il contacte Castella, c'est d'abord un jazzman réputé qu'il recrute. Il deviendra un indéfectible ami. Tout comme Henri Crolla, le deuxième arrivé, "Rico" Crolla qui devient le frangin, le confident, le rital prolo (mais fils adoptif de Prévert) avec qui Montand retrouve la famille. Et c'est avec quelques autres compagnons qui lui seront fidèles sans aucun manquement, qu'il fait un parcours de 7 ans de marathon de tournées, avec en point d'orgue les 8 mois non stop à guichets fermés de l'Etoile 1953. Un concert qui reste un modèle du genre même en 2014. Alors que les albums studios sont assez datés dans la forme. Mais l'Etoile c'est un monument. Montand mettra longtemps à revenir vraiment à la scène chanson, tant l'Etoile 53 a été un sommet. Pourrait-il faire mieux?

A cette époque, Montand est un chef d'entreprise, sur qui tout repose. Simone Signoret définit très bien en quelques lignes ce qu'est la solitude du chanteur de fond. Le patron, mais un patron fragile, si le spectacle n'a pas été réussi, c'est lui qui en prend toute la critique. Dans le cas de Montand, il est parfaitement inenvisageable d'avoir des musiciens interchangeables, les répétitions de Batling Joe, et les cymbales de Paraboschi, c'était des heures de mise au point, pour que le coup de cymbale tombent pile sur le crochet reçu par le boxeur; le guitariste, Henri Crolla, juste derrière Montand, c'est la garde rapprochée attentive qui rattrape parfois le chanteur qui rate un temps, idem pour Castella, Soudieux et Balta. Aucun de ceux-ci ne serait fait excuser pour ne pas être présent à un récital. Le seul cas c'est le voyage en Russie, ça terrorisait Freddy Balta, (l'avion et la Russie) et le jeune Marcel Azzola l'a remplacé. Ce qui fait le charme et la réussite d'un spectacle, c'est une alchimie complice et harmonieuse entre tous les partenaires, ceux qui sont en scène, et qui ne devraient jamais être des pions interchangeables, ceux qui sont en coulisse, pour le son et la lumière. Henri Henri-Crolla-Yves-Montan-400x341.jpgSalvador a raté un de ses spectacles aux Etats Unis parce que les syndicats ont interdit à sa femme de faire les jeux de lumière, au prétexte que leurs éclairagistes assuraient sans problème. Et tous les sketches avec les expresssions comiques de Salvador ont été ratés, la lumière arrivait avec un temps de retard. Parfois ces détails ne sont perceptibles qu'en contrepoint, le jour où on voit un spectacle qui d'un seul coup prend un envol nouveau, il s'est passé quelque chose d'infinitésimal qui fait la différence, le tableau s'harmonise à la perfection, l'artiste a senti l'entière adhésion « amoureuse » de son équipe, et pour revenir à Montand, des décennies plus tard, Soudieux, Paraboschi, Azzola en parlent encore comme quelque chose d'exceptionnel. Parce que c'était lui, parce que c'était eux.

 

*La Solitude du chanteur de fond est un film documentaire français réalisé par Chris Marker, sorti en 1974.

 **Emmanuel Soudieux le bassiste préféré de Django

 ***Bob Castella musicien, ami, et homme de confiance de Montand jusqu'au bout

A noter que Montand après 1960 et la fin d'un contrat avec un imprésario (pendant 12 ans) n'a plus jamais eu d'imprésario, il a tout géré avec Bobby en totale liberté, et en pleine responsabilité de son art.

Bob Castella, après la mort de Montand, a mis un an pour mettre toutes les affaires en ordre, et mission accomplie, il a tiré le rideau.

Norbert Gabriel

 

21:44 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (4) | Tags : yves montand, henri crolla; bob castella | | |  Facebook |  Imprimer | | | |