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17/02/2014

La Solitude du chanteur de fond

 

 montand ombre 2.jpgMontand a toujours été un perfectionniste qui travaillait avec une extrème exigence chaque chanson, et chaque scénographie relative à cette chanson. Un professionnalisme qui tenait à son caractère anxieux, inquiet, celui du môme de La Cabucelle, fils d'immigré, qui doit être « commifo » dans chaque situation. Et qui s'est confronté à ses débuts au public de l'Alcazar de Marseille, un des publics les plus exigeants, et souvent  féroce avec les artistes quels qu'ils soient .

 Le succès est venu très vite, quand Piaf doit l'avoir en première partie, elle n'est pas emballée outre mesure, cette vedette qui monte, ça va lui faire de l'ombre, mais elle va voir ce qu'il en est, et perçoit immédiatement le potentiel. Elle m'a fait gagner plusieurs années, dira Montand. Qui comprend très vite la nécessité d'avoir son équipe, et quand il contacte Castella, c'est d'abord un jazzman réputé qu'il recrute. Il deviendra un indéfectible ami. Tout comme Henri Crolla, le deuxième arrivé, "Rico" Crolla qui devient le frangin, le confident, le rital prolo (mais fils adoptif de Prévert) avec qui Montand retrouve la famille. Et c'est avec quelques autres compagnons qui lui seront fidèles sans aucun manquement, qu'il fait un parcours de 7 ans de marathon de tournées, avec en point d'orgue les 8 mois non stop à guichets fermés de l'Etoile 1953. Un concert qui reste un modèle du genre même en 2014. Alors que les albums studios sont assez datés dans la forme. Mais l'Etoile c'est un monument. Montand mettra longtemps à revenir vraiment à la scène chanson, tant l'Etoile 53 a été un sommet. Pourrait-il faire mieux?

A cette époque, Montand est un chef d'entreprise, sur qui tout repose. Simone Signoret définit très bien en quelques lignes ce qu'est la solitude du chanteur de fond. Le patron, mais un patron fragile, si le spectacle n'a pas été réussi, c'est lui qui en prend toute la critique. Dans le cas de Montand, il est parfaitement inenvisageable d'avoir des musiciens interchangeables, les répétitions de Batling Joe, et les cymbales de Paraboschi, c'était des heures de mise au point, pour que le coup de cymbale tombent pile sur le crochet reçu par le boxeur; le guitariste, Henri Crolla, juste derrière Montand, c'est la garde rapprochée attentive qui rattrape parfois le chanteur qui rate un temps, idem pour Castella, Soudieux et Balta. Aucun de ceux-ci ne serait fait excuser pour ne pas être présent à un récital. Le seul cas c'est le voyage en Russie, ça terrorisait Freddy Balta, (l'avion et la Russie) et le jeune Marcel Azzola l'a remplacé. Ce qui fait le charme et la réussite d'un spectacle, c'est une alchimie complice et harmonieuse entre tous les partenaires, ceux qui sont en scène, et qui ne devraient jamais être des pions interchangeables, ceux qui sont en coulisse, pour le son et la lumière. Henri Henri-Crolla-Yves-Montan-400x341.jpgSalvador a raté un de ses spectacles aux Etats Unis parce que les syndicats ont interdit à sa femme de faire les jeux de lumière, au prétexte que leurs éclairagistes assuraient sans problème. Et tous les sketches avec les expresssions comiques de Salvador ont été ratés, la lumière arrivait avec un temps de retard. Parfois ces détails ne sont perceptibles qu'en contrepoint, le jour où on voit un spectacle qui d'un seul coup prend un envol nouveau, il s'est passé quelque chose d'infinitésimal qui fait la différence, le tableau s'harmonise à la perfection, l'artiste a senti l'entière adhésion « amoureuse » de son équipe, et pour revenir à Montand, des décennies plus tard, Soudieux, Paraboschi, Azzola en parlent encore comme quelque chose d'exceptionnel. Parce que c'était lui, parce que c'était eux.

 

*La Solitude du chanteur de fond est un film documentaire français réalisé par Chris Marker, sorti en 1974.

 **Emmanuel Soudieux le bassiste préféré de Django

 ***Bob Castella musicien, ami, et homme de confiance de Montand jusqu'au bout

A noter que Montand après 1960 et la fin d'un contrat avec un imprésario (pendant 12 ans) n'a plus jamais eu d'imprésario, il a tout géré avec Bobby en totale liberté, et en pleine responsabilité de son art.

Bob Castella, après la mort de Montand, a mis un an pour mettre toutes les affaires en ordre, et mission accomplie, il a tiré le rideau.

Norbert Gabriel

 

21:44 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (4) | Tags : yves montand, henri crolla; bob castella | | |  Facebook |  Imprimer | | | |

Commentaires

Oui, un spectacle est le travail de toute une équipe , c'est l'entente, la complicité entre tous qui en fait la réussite et si quelque chose cloche, le chanteur est mal à l'aise, et ça casse le charme . L'éclairage, le son, les musiciens, le régisseur participent tous au succès ou non d'un spectacle . J'ai ressenti cette merveilleuse harmonie avec la bande à Lo'Jo récemment à Riom , il était heureux, toujours avec un petit coup d'oeil bienveillant sur sa troupe , et c'est vrai, ça fait la différence . Montand était un artiste complet, exigeant, et solitaire, c'est lui qui réglait tous les détails , et les musiciens n'avaient qu'à bien se tenir pour coller à ses exigences .

Écrit par : Danièle Sala | 17/02/2014

Récemment, j'ai vu deux spectacles de deux artistes qui sont exactement dans ces configurations, Agnès Debord (samedi dernier) très bien entourée depuis 5 ou 6 ans par une même équipe très soudée, et très complice en scène, et Valérie Mischler le 10 février qui a emballé le public du Vingtième Théâtre avec son trio.
Et Lo'Jo est un superbe exemple de fratrie musicale réussie ... Comme les Ogres de Barback, 20 ans de vie de scène et de famille...

Écrit par : Norbert Gabriel | 17/02/2014

On peut voir un extrait du film ici
http://www.ina.fr/video/CPC76050734

Écrit par : Norbert Gabriel | 18/02/2014

Cet extrait me fait penser que dans la présentation du dernier album de Lavilliers à la radio , à la télé, souvent illustré par la chanson " Scorpion", il n'a jamais été fait référence à la création d'Yves Montand sur le poème de Nazim Hikmet , " Mon frère", et j'avoue que ça m'a fait bondir, la première fois .

Écrit par : Danièle Sala | 18/02/2014

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