05/08/2012
Mon top des tops !
Cette fois, c'est sûr, mon super hyper méga top dans la chanson de l'année, et sans doute des années à venir, c'est « Country » de la sémillante Carmen. Qui doit être une disciple plus ou moins consciente de la Carmen de Bizet, une de ces brunes qui ont dans les gènes quelques traces de Calamity Jane, de Louise Michel, d'Olympes de Gouges ou une de celles que Juliette évoque dans ses rimes féminines :
Vivre encore colombe ou rapace,
Écrire chanter ou faire des passes:
Marie Dubas (Carmen Maria Véga...)
Carmen et Max (Muzik'elles 2011)
car c'est à cette Carmen-là, la Maria Véga, qu'on doit une « Country » insolente et très marrante. Et sans doute très vraie, voilà pourquoi : depuis quelques temps, le French Rock se parfume volontiers l'expression artistico-musicale des couleurs de l'anglaise langue, c'est devenu tendance, car la dance est le nec plus ultra de la variété showbizz qui devient invariablement un sous-produit musical bien usiné pour que ça « dance »... Donc que ça baragouine en moldo-valaque, en patois aborigène de Wallis et Futuna, en iroquois ou en néo-breton mâtiné d'auvergnat, qu'importe le sens pourvu qu'on ait le son. Pour ça, une bonne grosse batterie boite à rythme, un sampler, et on a l'essentiel de la logistique. Plus une guitare électrique, évidemment. Lancer le boum-boum-boum fortissimo, jouer 4 notes qu'on va sampler et répéter 40 secondes à chaque fois, quelques onomatopées YAW-YAW-YAW répétées 15 à 20 fois et on a à peu près l'ambiance globale de ce que j'ai subi pendant 90 mn lors d'une soirée FNAC Live. Outre le fait que le chanteur chantait en anglais de Pézenas ou de Brive la Gaillarde, il y avait un batteur qui a réussi l'exploit d'être aussi impersonnel qu'une boîte à rythme. Very ImPressionnant !!! Comment j'ai pu tenir 90 mn dans ces conditions ? Grâce à la Country de Carmen. Vers le 3 ème couplet …
Je suis passée à la télé
Je voulais faire chanteuse
Tous des vendus, tous des tarés
A part ma manageuse
J'voulais faire du rock'n roll
Mais elle m'a dit : chérie
Le rock'n roll c'est pourri
Toi tu feras d'la country
Tous des tarés, tous des salauds
Sauf mon imprésario
Tous des toqués, tous des menteurs
A part mon producteur
Un jour il m'a dit chérie
ça suffit le français
Fais plutôt comme on te dit
Faut qu'tu chantes en anglais
All des tarés, all des suckers
But not my manager
Tous des crazy motherfucker
A part mon publisher
Du coup, chaque fois que des néo-rockers qui bafouillent des minauderies en english yaourt me proposent leur ersatz new rock, j'ai la Country de Carmen en contre-chant narquois, ou en antidote. Et je trouve à ce concert un côté comique qui n'a sans doute pas été voulu par les promoteurs. Une précision en passant, je n'ai pas une allergie sectaire à l'anglo saxon, je continue de vénérer Joan Baez, Patti Smith, Jim Morrison, Bob Dylan, ou Gary Jules dont le « Mad world » n'a pas besoin de sous titres ou de gestuelle stéréotypée pour générer des émotions fortes... Ah oui, j'avais oublié la gestuelle, il n'y a pas que les 4 notes qui sont samplées, il y a aussi le geste répété ad libitum... A part faire sautiller le public grâce au boum-boum-boum de la batterie DCA (Dance Club Academy?) ça raconte quoi ? Rien ! On est pas là pour s'enrichir les oreilles mais se trémousser du popotin, en discutant avec les copains-copines-voisins et faisant péter les canettes de bière.. Après deux groupes qui nous infligent à peu de choses près la même boum-boum-bouillie sonore, (j'avais raté le début) arrive la Grande Sophie, lumineuse et radieuse, et le public est resté dans la foulée des sautillements précédents ; je ne suis pas sûr qu'une partie de ce public, venu parce qu'il y avait du monde ? se soit rendu compte du changement. Une partie, mais quand même... Là où je suis, au pied de la scène, sur le côté, la foule est dense, il y a les fans, et les occasionnels, ceux qui sont là pour les groupes précédents, qui sont restés, qui réagissent par réflexe quand ça pulse assez fort, mais dès qu'il y a une chanson un peu intimiste, ça décroche... Ils seront portés par l'enthousiasme général , ils diront sûrement qu'ils ont passé une soirée formidable ; c'était plein de copains, il faisait bon, mais ont-ils vraiment écouté « Suzanne »... pour « Ne m'oublie pas » c'est dansant, alors on danse, mais on a bien dansé aussi sur « La danse des canards »... En faisant une sorte de panoramique arrière, une ou deux chansons avant la fin, je longe les côtés et le fond de l'esplanade, là où on voit les écrans grands comme deux timbres poste, et là, au vu des monceaux de canettes et des boites vides, j'ai le sentiment qu'on a beaucoup arrosé les chansons mais pas vraiment écoutées. Et j'entends comme un écho rigolard, la voix de Nino Ferrer dans une de ses tranches de vie et de spectacle :
Ils sont assis comme des veaux parmi les papiers gras
Ils sont remplis de merguez, de frites et de coca
Des canettes de bière, des tomates, des melons
Moi, je me sens tout seul sous le feu des projecteurs
Pendant que le spectacle avance à toute vapeur
Ils écoutent la musique comme on regarde passer les trains
Et moi j'avance de plus belle, à grands coups de décibels
Pour garder dans mon théâtre tous ces bovins opiniâtres
Qui vont de l'autre côté parce que c'est mieux éclairé...
Mais tout n'est pas toujours si noir, le lendemain, j'avais programmé Dominique A et Arthur H, et arrivant assez tôt, histoire de pouvoir me placer pas trop loin, j'ai bénéficié de 30/40 mn avec le groupe Revolver, un autre de ces frenchies rock group qui chante en anglais, mais c'est du bon rock, et le fait qu'ils chantent en anglais ne me gène pas. Est-ce une coïncidence ? Mais le public sera particulièrement réceptif ensuite à Dominique A et Arthur H et à leur musicale francophonie... Ensemble très riche avec Dominique A, guitare Fender exacerbée et hautbois/flûtes, très bien servis par une rythmique qui sonne humain. Comme Arthur H, généreux, tonique, expressif dans cet heureux mélange de chansons qui font sonner la langue française sans concession mercantile aux modes dance-rock plus ou moins frelatées. Bilan partagé sur ces deux soirs, mais globalement positif, grâce à la Grande Sophie, Dominique A et Arthur H...
©NGabriel 2012
Le nom d'un des groupes vient de me revenir, le nom sonne comme le principe musical du sample... ou du bégaiement, on répète, au cas où ce crétin de public ne capterait pas à la première audition.... Mais en un sens, c'est honnête, on est prévenus... Pour vous laisser sur quelque chose de ludique, voici les deux chansons évoquées plus haut, ça met du fun dans les oreilles.
http://www.youtube.com/watch?v=GgpiW_xbqGc
http://www.youtube.com/watch?v=96FI08UaFcI
Pour plus de musique des artistes cités:
http://www.carmenmariavega.com/
http://www.lagrandesophie.com.fr/
Norbert Gabriel
Last but not least, comme disait Shakespeare à Johnny H,
Tous des toqués, tous des vauriens
A part mes musiciens
Tous des cocus, tous des fumistes
A part les journalistes
A part les journalistes (c'est bin vrai ça ...)
et bien entendu, la photo de Nino Ferrer est un hommage à Carmen(cita) Maria Vega. Merci Nino...
12:51 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (1) | Tags : country, carmen maria vega, nino ferrer, dominique a, arthur h, rock | | | Facebook | Imprimer | |
28/05/2012
Djazzeries et Musiques populaires.
C'est bientôt les vacances, les grandes, le temps des festivals, des découvertes et des rencontres,un esprit de fête qui est malheureusement confiné aux périodes de loisirs. Et puis avec la fréquentation de plus en plus confidentielle des églises, la musique se fait par procuration dans des télé-crochets, enfin pas toujours, les chorales se portent plutôt bien depuis quelques années, et il est fréquent d'entendre une salle reprendre une chanson en choeur spontané, et plutôt réussi. Ce ne fut pas toujours le cas. Et il reste un problème de fond avec la musique, et la pratique de la musique, c'est un domaine réservé à une minorité. Alors que dans pas mal de civilisations, elle est dans la vie de tous les jours … Tout le monde chante, dit-on, c'est assez vrai , mais pas toujours juste.
Doc Caloweb « … ce qui m'a longtemps gêné chez les français, c'est leur manque d'esprit musical, pour le public, pas les musiciens, mais le public, aux States quand tu chantes dans un coin paumé, ou un bistrot tu as tout de suite 3 gus qui embrayent avec 3 voix en choeur et contrechant, en France quand t'en as un qui chante juste, ça tient déjà du miracle, et pour taper dans les mains, alors là, vaut mieux rien dire... C'est pas que les américains soient plus doués, mais ils commencent à faire de la musique tout petits, à l'école, à l'église, dans les bus scolaires, et dans les champs, et un des premiers cadeaux qu'on fait à un môme, c'est un instrument de musique, même chez les familles modestes. En France, t'as l'impression que c'est un luxe inaccessible, et c'est pas le pipeau en plastique moche qui peut donner des envies de woodstock aux enfants de la patrie.
Dans pas mal de familles très modestes de Louisiane, même dans des cases on trouvait parfois un piano... On nous racontait souvent l'histoire de Sally Hemings, l'esclave maîtresse de Jefferson, après la mort de Jefferson, elle s'est retirée dans une maison très modeste, presque une case, mais il y avait un piano .. Pas l'eau courante, mais un piano … C'était pas non plus la majorité, je t'ai raconté comment on fabriquait nos instruments, la boite à fromage pour la caisse du banjo, et pour les plus raffinés, la boite à cigares -grand modèle- pour des presque guitares, qui sonnaient comme des banjos d'ailleurs … Mais dès 1850-60, des commerçants avisés avaient compris qu'il fallait proposer des instruments abordables, rustiques, pour les cowboys autour du feu de camp.. Tu sais, Dans les plaines du FarWest quand vient la nuit, les cowboys près du bivouac sont réunis … avec harmonica et guitare, et vas y avec Darling Clémentine, ou Amazing grace ou d'autres chansons plus lestes … La Clementine, on l'épluchait parfois … si tu vois … C'est pas qu'on avait l'esprit spécialement mal tourné, mais bon … Et puis les westerns façon Hollywood, ça a bricolé un folklore assez loin de la réalité. Les cowboys, c'étaient des ploucs la plupart du temps, juste bons à se tenir sur un cheval pour garder des vaches. Le chevalier solitaire qui parcourt la prairie pour défendre la veuve et l'orphelin, c'est bon pour les contes et les légendes. Et les westens série B des années 50. A raconter aux enfants qui croient à Santa Claus et au père Coca-Noël... En chantant Jingle Bells … N'empêche que le plus simplet des vachers savait chanter à peu près juste. Et quand il savait pas, il réinventait...
Nous, en Louisiane, on avait les fanfares, ça c'était aussi important que le football américain, chaque quartier avait sa fanfare, avec uniforme, et tout le tsouin-tsouin, fallait voir ça, le grand concours annuel des fanfares, défilé triomphal, foule en délire... Une sorte de carnaval permanent, du baptème à l'enterrement, toute occasion de faire de la musique était bonne à prendre... Et on ne s'en privait pas.
Tout était bon : pique-niques, réunions sportives, carnavals, meetings, fêtes organisées par des sociétés diverses et bien sûr les fameux enterrements. La musique : marches militaires, ragtimes, airs de danse, airs folkloriques, hymnes spirituels, marches funèbres thèmes de jazz. Le brass band, c'est comme qui dirait la carte de visite musicale du vieux pays. Un des personnages emblématiques, c'est John Philip Sousa, il y a même un timbre qui lui a été consacré, c'est l'ancêtre des brass bands, dans le temps, enfin avant 1900, c'était des grands orchestres, genre militaire, d'où les uniformes des fanfares, casquette, veste chamarée et drapeaux... On y est tous passés. Et puis pour les pauv'ptits negros du Sud, c'était l'occasion d'avoir des souliers corrects, et une belle tenue bien brillante. Ça marche toujours ce genre de connerie...
Le prestige de l'uniforme...
Tiens voilà à quoi ça ressemblait, le Sousa Band, c'est du lourd !
Avec les sons qui se propagent sur l'eau, on devait l'entendre dans toute la Louisiane, le Sousa Band ...
Tous les bands n'étaient pas de ce calibre, la norme c'est avec 4 instruments pour la mélodie, la reine trompette, la princesse clarinette, le tonton trombone, et le cousin sax, qui est arrivé plus tard. Et pour la section rythmique, les turbulents tambours, caisse claire, grosse caisse, cymbales, le banjo, et le vieux père tuba... le soubassophone, qu'on a appelé aussi le sousaphone, en clin d'oeil à John Philip Sousa... C'était une sorte de musique militaire, mais à la façon négro américaine, on marchait au pas mais au pas de danse, c'est plus fun. Plus ouvert, c'est comme les musiques brésiliennes, elles sont portées par les rythmes, et de ces rythmes naissent des chansons. C'est assez différent de musiques collées plus ou moins laborieusement sur des textes rigides, chaque fois que j'entends à la radio des gens qui te martèlent « le soleil-le, dans le ciel-le, sur le por-re » où il y a un mirador-re... Insupportableuuu ! Je coupe le son … et je mets un disque de Nino Ferrer, qui savait faire danser les mots avec des musiques éblouissantes... C'était une sorte de blues rital, Nino, un vrai créateur, dommage qu'on l'ait réduit à un ou deux tubes mineurs ..
OK Doc, bien d'accord et voilà un des bons moments de Nino Ferrer, marchez, enfants de la Patrie, allons gaiement vers le destin, quoi que … Salut Nino !
Version longue, 7'40 et remise en actus http://www.youtube.com/watch?v=BJLYu8a1q_Q
Version courte http://www.youtube.com/watch?v=vYDmTZ_LjlY
et puis, pour quelques notes de plus, cette version de Cannabis, avec les percussions qui emmènent la musique, et les mots qui mordent …http://www.youtube.com/watch?v=4ZTjSisCDvw
Et si vous ne connaissez de Nino Ferrer que Mirza qui téléfon pour des cornichons, écoutez l'album « Métronomie » d'où viennent les 3 extraits ci dessus. C'est un monument.
Métronomie (9.05) Les Enfants De La Patrie (4.55) Métronomie 2 (2.18) Cannabis (4.43) La Maison Près De La Fontaine (3.43) Isabelle (2.29) Freak (1.28) Pour Oublier Qu'On S'Est Aimé (3.27)
Norbert Gabriel
20:50 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (1) | Tags : jazz, new orleans, doc caloweb, nino ferrer | | | Facebook | Imprimer | |