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31/12/2016

Djazzeries, les notes de Duke Paddington, histoires de jazz

Dans les djazzeries et les conversations avec Doc Caloweb, un expert est parfois invité pour préciser ou compléter des moments plus ou moins importants dans l'histoire du jazz.

 

« Rhapsody in blue » par Duke Paddington,

 

 Ross Gorman.jpgEn ce temps-là, le jazz était encore une musique de dépravés des quartiers hot de la New Orleans, en 1924, un musicien qui compose une rhapsodie jazzy, c'était plus qu'inattendu …

Gershwin avait composé au piano une intro assez ardue, 17 notes, et le clarinettiste de l'orchestre Paul Whiteman, Ross Gorman avait du mal avec cette intro, et il proposé comme pour plaisanter un glissando sur ces 17 notes. Ça a beaucoup plu à Gershwin, il a réécrit la partition pour la fixer avec ce glissando qui est devenu un cauchemar pour pas mal de clarinettistes qui ont dû s'y coller.

C'est la version originale qu'il faut écouter, avec cette clarinette qui fait la rieuse, la taquine, et qui joue dans tous les sens du terme, sensuelle, drôle, narquoise, drue et tonique, une vraie fille de la New Orleans. Par la suite, il y a eu trop d'enregistrements très propres, très lissés, trop aseptisés, comme si la musique s'était endimanchée pour jouer dans des habits bien amidonnés, avec des grands orchestres classiques qui faisaient de la belle musique, de la musique bien rangée, ça manquait de jus d'alambic en quelque sorte. Ça manquait de sirop de la rue. N'empêche que cette Rhapsody in blue a drôlement secoué le monde de la musique. C'était une vraie américaine façon Hollywood, l'exemple du melting pot, composée par un fils d'immigrant juif, inspirée par le jazz, jouée par un Whiteman, rigolo non ? Manquait un peu de Hiawatha, mais en ce temps là, les premiers américains n'avaient pas trop les honneurs des gazettes.

Cette histoire de glissando improvisé montre ce qui sépare les musiciens classiques, les musiciens instruits, des musiciens de jazz : un clarinettiste « normal » se serait appliqué à reproduire les 17 notes de la partition, Ross Gorman, lui invente ce glissando, enfin quand je dis qu'il invente, c'est façon de parler, il l'invente pour cette partition, et c'est une sacrée belle idée. Au début, Gershwin avait composé cette rhapsodie pour deux pianos, l'orchestration pour Whiteman lui a donné un panorama beaucoup plus ample.

Ensemble P Whiteman.jpg

Le premier ensemble de Paul Whiteman était un quintette, mais ça a pas mal changé, et Gershwin a pris soin dès le début de prévoir des partitions pour toutes les formes orchestrales possibles. C'est ce qui donné à ses compositions une diffusion dans tous les milieux de la musique.

On peut considérer que Rhapsody in blue est la première oeuvre de musique américaine intégrant toutes les composantes de ce nouveau monde. Paul Whiteman avait été très intéressé par un concert de jazz-classique donné par une canadienne Eva Gauthier en 1923, et il avait repéré un jeune compositeur de talent, dont l'opéra Blue Monday avait été un échec, mais il lui a commandé un concerto, et la Rhapsodie est née ans une certaine urgence, orchestrée par Ferdé Grofé, un des artisans majeurs de cette création.

 Voici une version très proche du premier enregistrement, c'est probablement celui-là:


 

 Rhapsody in Blue fut créé durant l'après-midi du 12 février 1924 sous le titre  « An Experiment in Modern Music ». Le concert eut lieu au Aeolian Hall à New York. L'orchestre de Whiteman était augmenté d'une section de cordes, avec George Gershwin au piano. Gershwin improvisa les solos de piano. Comme il n'écrivit la partition de piano qu'après le concert, nous ne savons pas à quoi ressemblait la Rhapsody originale.

 

11:54 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (1) | Tags : jazz, gershwin, rhapsody in blue | | |  Facebook |  Imprimer | | | |

31/03/2016

Lettre ouverte aux Trois Baudets

Depuis plusieurs années, les mêmes situations produisent les mêmes effets, des spectateurs déçus en sortie de spectacle où l'absence de lumière les a privés de voir ce qui se passe devant le micro... donc, un état des lieux est à faire, ici, c'est une salle qui a en principe les moyens de nous en mettre plein la vue, ce qui arrive parfois, mais pas forcément comme on le voudrait...

 

Chers amis asiniens,

 

Depuis quelques années, parmi les spectateurs fréquentant régulièrement ce lieu mythique, les récriminations à la sortie sont récurrentes sur un point essentiel dans la qualité d'un spectacle, la lumière. Peut-être vous a-t-il échappé que lorsque nous allons en salle découvrir un artiste, c'est pour l'entendre, et le voir. La chanson, dans le spectacle vivant, c'est son ET lumière. Pour être précis, quelques spectateurs sans doute chafouins pensent qu'il est bon que les lumières éclairent les artistes par devant, et non pas par derrière. Nous ne doutons pas de la grâce de leur postérieur, mais c'est surtout le côté face qui nous intéresse, en général. Et sur ce point, il y aurait des choses à redire. Est-ce une tendance nouvelle de faire des éclairages qui montrent le décor, les rideaux, en oubliant les saltimbanques qui sont devant le micro ? A moins de considérer qu'ils ne sont que les accessoires secondaires du show ? Si je vais dans une salle de spectacle, en principe c'est pour voir tout ce qui se passe sur scène, je sais, c'est un peu primaire comme approche, mais bon, la question est légitime n'est-ce pas ?

Je vous fais grâce des moments pénibles pour les spectateurs des rangs médians qui ont eu souvent une sorte de projecteur laser partant du fond de la scène, au ras du sol pour arriver droit dans les yeux de 30 ou 40 personnes qui ont la garantie d'être aveuglées pour une ou deux minutes. Menues facéties qui ont découragé pas mal de monde de se risquer dans la salle, sauf à se placer derrière les piliers, mais dans ce cas, autant rester chez soi, et écouter l'album dans son fauteuil favori.

 

3B magali.jpgUn exemple de ce qu'on voit le plus souvent, ou qu'on ne voit pas ? Voilà... Une batterie de projos en fond de scène, est-ce bien raisonnable ?

 

Il faut préciser que cette image est représentative de ce qui se passe sur la plupart des spectacles, avec témoignages de spectateurs constants sur ce point. Et d'artistes parfois très connus qui sont sortis de la salle assez malengroins, j'ai des noms.

 

Vous me direz que par les temps qui courent, il y a des sujets de préoccupation plus importants, c'est pas faux. Mais comme on me le disait dans mes jeunes années, tout ce qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait. Si la chanson a quelque importance dans ce monde qui boîte, autant lui donner un peu de lumières, les feux de la rampe, c'est fait pour ça.

 

Lis,  persiste et signe,

 

Norbert Gabriel

 

 

14:16 Publié dans Blog, chanson | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (0) | | |  Facebook |  Imprimer | | | |

15/03/2016

Herbert Pagani « autour d'une sérénade malentendue...

 

Avertissement: la première publication de 2012 sur un site chanson a disparu suite à un "problème technique" non résolu. Il y avait eu un débat passionné, dont il ne reste pas de traces. Mais mes archives ont gardé l'original de l'article, le voilà.

 

megalopolis couv.jpgRécemment, une question sur les chansons éternelles, « nos » chansons éternelles a mis en tête de ma liste, sans hésitation « Sérénade » d'Herbert Pagani, chanson qui comme son nom ne l'indique pas n'a rien d'une bluette sirupeuse pour printemps énamouré. Extraits :

 Écoutez-moi

Laisser brûler vos cœurs comme des cierges

Vaut mieux crever d'amour que rester vierge

...

Voilà pourquoi

J'aboie toutes les nuits ma sérénade

J'envoie mes mots d'amour en escalade

Frapper à vos silences de ciment !

Et réveiller

Les citoyens peinards dans leurs tanières

Jusqu'à ce que s'allume une lumière

Oh, une seulement !

 

« Sérénade » (4'51')' 

Herbert Pagani a traversé le monde du spectacle comme une comète, quelques années flamboyantes qui ont laissé une trace indélébile dans la mémoire et le coeur de ceux qui l'ont croisé sur disque ou dans la vie. Une partie du public chanson-télé n'a retenu de Pagani que le tube réducteur, et déformant, « Chez nous » qui eût le privilège de passer en boucle après une série d'émissions « Midi magazine » sur la Une. Et qui a été repris par des radios. C'est aussi représentatif de Pagani que « La cane de Jeanne » pour Brassens, ce qui n'a rien d'infâmant, mais c'est assez loin de « Mourir pour des idées » et pour les idées de Pagani, le deuxième extrait résume tout, on peut le dédier aux dirigeants d'Israël de 2012, autant qu'à ceux de la Palestine, « Plaidoyer pour ma terre » (7 ') Grand Echiquier 1976, http://www.youtube.com/watch?v=i4meJle3rQw

 

Herbert Pagani, c'est un métissage juif-italien-français, qui maîtrise les 3 langues avec un amour profond de la langue française, et un atavisme italien sans concession pour cette Italie contrastée qu'il a bien dépeinte dans le Concerto d'Italie (9 ') une fresque picaresque très imagée :

http://www.dailymotion.com/video/xqcl9z_concerto-d-italie...

 

megalopolis news.jpgAprès ce Concerto d'Italie, son grand oeuvre, c'est « Mégalopolis » un roman musical, un film pour les oreilles (...), où se mêlent politique-fiction, amour, humour et révolte. Un double album qui s'est nourri des réflexions de sociologues et intellectuels divers, Jean Onimus, de Roberto Vacca, Jean-François Revel, Garaudy, Jean-Claude Barreau, avec un discours prophétique, écrit en 1972, et particulièrement savoureux quand on se souvient des discours sur l'Europe vers 1991-92.

Extrait Mégalopolis (7' 32'') le discours de Maxime Vanderlove http://www.youtube.com/watch?v=By8JGJCInCo

 

Avec cet ensemble de livres de fond, Pagani étaye ses convictions d'humaniste écolo, battant et combattant, sans jamais refuser le débat, il a été invité à la Fête de l'Huma, et fait applaudir « L'étoile d'or », et lors des discussions sur la question, « faut-il aller chanter à Orange ville FN? » il aurait répondu oui, sans hésiter. Peut-être pour chanter cet autre extrait de Mégalopolis, Ni Marx ni Jésus 6'06'' http://www.youtube.com/watch?v=s1LH0wTrozo&feature=re... genre de chanson que le show biznesse et les télés radios évitent comme la peste et le choléra.

Après le discours de Maxime Vanderlove, et quelques péripéties, voici Mégapocalypse, écrite, 1970-72, si vous avez 22 minutes, ça vous rappellera peut-être quelques évènements plus ou moins en rapport, la grande panne de New-York de 1977, avec émeutes et pillages, puis celle de l'Ouest français en 1978.. http://www.youtube.com/watch?v=tMeKLqCQlwA

« Nous avions tout prévu, l'accident la tempête, pour prévoir l'inconnu il faut être poète .. » dit Pagani, ce qui rejoint, ou paraphrase Aragon et Ferrat « le poète a raison qui voir plus haut que l'horizon, et le futur est son royaume... »

Dans ce roman musical-tragicomédie, un texte d'une puissance critique passionnée sur l'Eglise, toujours d'actualité, et qui curieusement a été escamoté dans la reprise de 1999, raison suffisante pour que je m'abstienne, à tort peut-être, Francis Lalanne parlait très bien d'Herbert Pagani et de l'aura qu'il dégageait. Mias j'ai quand même acheté l'album .. Donc voici, Le P.AP.E (8'55'')

http://www.youtube.com/watch?v=kjcgiSLNGdM&feature=re...

 Aragon a dit de Pagani : « on ne peut plus voir la chanson francaise sans le connaître » (les mots ne sont peut être pas exactement ceux là mais c'est l'idée) et Luc Plamondon a déclaré que sans Mégalopolis, il n'aurait pas osé mettre en chantier « Starmania »...

Comme les albums sont assez difficiles à trouver, voici d'autres extraits, il en manque un, Concerto pour Venise, Venise, sa passion amoureuse, qu'on ne trouve pas sur le web.

 

Et pourtant, elle est encor' si belle

Au piège de ses ondes

Ce radeau de marbre blanc

Sans arbres et sans enfant

Prophétise l'avenir du monde

 

L'étoile d'or 4'24''

http://www.dailymotion.com/video/x627bd_herbert-pagani-l-...

une chanson « sioniste » régulièrement applaudie dans les concerts organisés par le PCF, malgré les positions officielles sur le Moyen Orient ; étonnant, non ?

Messieurs les présidents 5'16'' (1972) ici en direct à Bobino

http://www.youtube.com/watch?v=cAIcE1QMH10&feature=re...

«Est-ce la mode rétro qui fait bander à droite les jeunes générations... ? » La question reste actuelle.

 

- Et quelques une des chansons, surtout françaises, qu'il a adaptées en italien avant de chanter ses propres textes.

 

Pagani /Brel « adieu l'Emile » Testamento All'Italiana (1965)

http://www.youtube.com/watch?v=t785SLXFzeg&feature=related

Plat pays « Mia Lombardia » 1965

http://www.youtube.com/watch?v=D7hsEdtlpaY&feature=related

« La mia porta » quand il chantait Gainsbourg, en 1966, dans une adaptation de « la chanson de Prévert »

http://www.youtube.com/watch?v=H590dGU5RqM

et une adaptation de «So far away From LA to Frisco » de Nicolas Peyrac « Da niente a niente »

http://www.youtube.com/watch?v=uLpwQpW2k0M

et dans une jolie mélodie traditionnelle yiddish.. « Dana-dana, ou Donna donna » ici en italien..

http://www.youtube.com/watch?v=-r_PyNJ6IdE

Grazie alla vita (italien) RAI avec orchestre (Gracias a la vida)

http://www.youtube.com/watch?v=MXJNbNjreWg&feature=related

Albergo del amore 3'32'' (quand Pagani chantait en Italie les chansons interdites, « Les amants d'un jour » http://www.youtube.com/watch?v=lvwOtgZMZxw&feature=re...

 

--- Reprise de Francis Lalanne « L'amitié » 1999 Collectif avec interview ( 6'47'') lors de la reprise de Mégalopolis, mais cette chanson n'est pas dans la version originale de Mégalopolis.

http://www.youtube.com/watch?v=JjNBII7aiZQ&feature=related

et une version italienne du show bizeness assez percutante et incisive « chanter rouge sur des mélodies roses ».. si vous ne comprenez pas l'italien, essayez de trouver un(e) italien(ne) ça vaut le détour. http://www.youtube.com/watch?v=nK6C6OaGFXY

 

--- Pour les chercheurs de pépites inconnues, un truc improbable BO de film Metti Un Tigre Nel Doppio Brodo (1968) http://www.youtube.com/watch?v=e05_bVkDYws

« Sérénade » avec un orchestre classique (en italien) et avec accordéon .. (en direct)

http://www.youtube.com/watch?v=lB55YGtgx_0

Oh nostalgia, (1972) jamais publié en France sur aucun album

http://www.youtube.com/watch?gl=CO&hl=es-419&v=OXhA6dIp9dw

Signor Caruso , une curiosité très comédia dell arte (avec Guy Marchand à la musique)

http://www.youtube.com/watch?v=hkZjOml3OFE

 

--- Pour des infos complémentaires, un article complet de Je Chante :

http://jechantemagazine.over-blog.com/article-herbert-pag...

et une interview à Montmartre en 1977 (6'10'') http://www.youtube.com/watch?v=YIAdAvJb7BI

avec la « sérénade » direct de Bobino (une séquence scénique qui rappelle assez l'expressionisme de Bécaud) et une conclusion en situation, « i gelati sono meggliori a casa nostra »...

 

Il y a d'autres choses à découvrir, suffit d'aller là http://www.youtube.com/results?search_query=herbert+pagan... et vous en avez plusieurs pages...

 

Sur le plan livres, un excellent « Poètes d'aujourd'hui », par André Bercoff, et une autre rareté, le roman autobiographique « Préhistoire d'amour » que Pagani élaborait depuis plusieurs années, en parallèle à ses activités de peintre er de sculpteur, un livre brut, et émouvant (Ramsey 2003), mais le mieux pour comprendre Herbert Pagani, c'est de l'écouter.

Il a laissé une oeuvre graphique importante, dont Bercoff explore les tenants et aboutissants dans « Poètes d'aujourd'hui », dessins, peintures, qui lui ont permis de vivre en faisant des craies sur les trottoirs, au temps des vaches maigres et des concertos de sucs gastriques avecViandox

Quand les albums vinyles permettaient ces illustrations, en plus de la pochette en couleurs, on trouvait à l'intérieur un dessin grand format, heureux temps ..

Ici le dessin pour le Concerto d'Italie. (La ville)

Et des lagunes de Venise, ou des plages de Bari, il a récolté des verreries fragments roulés, polis, ciselés par la mer pour en faire des objets d'art sauvage,

des bois flottés pour des sculptures fantastiques.

 

Dernier détail pittoresque, ses albums sont toujours arrangés avec des musiques somptueuses, Jean-Claude Vannier, Jean Claudric, Jean-Claude Petit, entre autres pour la France, mais Pagani était ignare en musique, et c'est en langage de peintre qu'il communiquait ses envies, « fais moi un accord orange », ou «  une mélodie rouge »... le tout avec les soins attentifs du grand Claude Dejacques, un des directeurs artistiques qui avait une vision de l'art plus que du commerce.

Son livre « Piégée la chanson ? » est un des livres à avoir... et il y a de jolies pages sur Pagani.

 

 

02:51 Publié dans Blog, chanson | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (0) | | |  Facebook |  Imprimer | | | |