31/01/2015
Marie-Thérèse Orain , comme un papillon qui danse sa vie.
Dans quelques semaines, un coffret consacré à Marie-Thérèse Orain sera présenté au public lors d'une spéciale à L'Européen, le 12 Avril. Avec un album enregistrement public, le premier pour cette artiste au parcours d'une richesse rare, des cabarets Rive Gauche au théâtre lyrique, album de chansons dont plusieurs inédites, de Jacques Debronckart, Anne Sylvestre, Claude Lemesle. En attendant, voici le premier épisode (sur six) pour découvrir une vie d'artiste qui est aussi une histoire de la chanson de ces 50 dernières années.
(le coffret est en souscription, tous les détails ici: http://caminoverde.com/spectacles/marie-therese-orain.php
Premier épisode.
Les artistes et les papillons ont des points communs: le goût des couleurs qui font chanter la vie, et ce goût d'aller vers le but qu'ils ont choisi en improvisant le chemin au gré du bonheur des rencontres, des surprises, des chutes ou des virages. L'important, finalement, ce n'est pas le bout de la route, mais la route.
Dans les contes d'enfance, il était une fois un monde où les fées ont toujours le bon coup de baguette pour arranger le happy end. Dans les contes d'Auvergne, il y a les fades, des fées auvergnates, bienveillantes certes mais adeptes de l'effort partagé, pas le genre à vous envoyer les cailles rôties dans l'assiette. Il faut y mettre du sien. Quand Marie-Thérèse Orain entre dans la carrière, elle a 4 ans, le Café de Paris est la plus belle brasserie de Clermont-Ferrand, Pompidou y tape la belote avec les habitués de ces années 38-39, et l'orchestre accompagne le menu. L’âme de la place de Jaude, c’était d’abord le "Café de Paris". En face du théâtre, à la place de l’actuelle Maison de la presse, il accueillait le tout Clermont "dans ses salles éblouissantes de lumière, si coquettes en leur décor joli, dans ses salons élégants et discrets . Des orchestres s’y produisaient, fort appréciés de la clientèle de l’époque :"Sur la terrasse, l’on peut applaudir dès la belle saison des solistes de grand talent qui interprètent nos auteurs préférés" (L'Auvergne autrefois)
Avec un des hits du moment, Marie-Thérèse entre en scène, « La chapelle abandonnine » remplit la soucoupe qu'elle présente aux heureux beloteurs, son premier fan-club la plébiscitant face au papa mécontent de cette initiative d'autofinancement. « La chapelle au clair de lune » succès revu en version personnelle, premier cachet pour payer les sucres d'orge et les manèges.
Et puis ...
Adieu Clermont-Ferrand et l'Auvergne, direction Nice, où l'adolescente abandonne ses études pour entrer au Conservatoire, les fades marraines avaient dû garnir le couffin d'un don de comédie, puisqu'un prix récompense son talent. Prix suivi d'un concours "Voulez-vous faire du cinéma?" sous l'égide de Raymond Rouleau, plus concret, avec à la clé une bourse et un billet d'avion pour Paris. Et c'est parti pour la conquête de la capitale, du Conservatoire National. Mais …
J'avais gagné la finale. C'était comme la Starac, toutes les semaines pendant 6 mois, ma mère était réticente mais quand même présente avec mon père et des milliers de spectateurs. Le prix était de 100 000 Frs (de 1956, soit 4 SMIC 2015) et surtout, un billet d'avion pour Paris ! Je me suis retrouvée dans une chambre de bonne en entresol, seule… En arrivant avec mon diplôme au Conservatoire National d'Art Dramatique à Paris, je croyais qu'on m'attendait et on m'a dit : Inscrivez-vous pour la rentrée. Je me suis présentée avec Henriette des Femmes savantes, et au bout de trois phrases : Merci mademoiselle, au suivant… Et me voilà sur le trottoir, premier échec.
Mes parents pensaient que ce ne serait qu'une passade, que je reviendrais très vite. Mon père m'a aidée les deux premières années. Il disait à ma mère : « Laisse-la partir, dans trois semaines, elle sera de retour et elle ne nous embêtera plus avec ses histoires de théâtre. »
Malgré mon diplôme de Nice, tout était à faire. Après l'échec de l'audition, je suis allée chez René Simon, dans le privé, c'était formidable. C'était un homme que j'aurais aimé connaître à quarante ans. Là, il y aurait eu un vrai dialogue alors qu'à vingt ans, on était gamins, on prenait le dessus de ce qu'il disait sans aller chercher plus loin.
Au cours Simon, j'ai trouvé de vrais copains. Un jour, j'étais prête à repartir, j'appelle une copine du conservatoire, et elle me dit avec son accent du midi : « Bouge pas, je viens te chercher »… Je suis restée à l'attendre sur mon banc gare de Lyon, elle est venue me récupérer et elle m'a dit, avé l'assent : « Malheureuse, ne fais pas ça ; si tu rentres, tes parents ne te laisseront jamais repartir… » C'était dur dans mon sous-sol, la luminosité de Nice me manquait… la plage. Au cours des premières auditions, on se présente : « T'es nouvelle, t'arrive d'où ? de Nice ? Moi je suis de Toulon, vous allez me donner la réplique, la confidente dans Phèdre. » Elle avec son accent de Toulon, moi avec mon accent parigot, on a fait un triomphe, tout le cours se poilait.
La fée marraine avait dû oublier un détail... mais elle n'avait pas oublié le don de la persévérance, le passage au Cours Simon conforte des liens, confirme des envies, le théâtre entr'ouvre ses portes.
Il y avait trois ans que je travaillais avec Roger Pierre et Jean-Marc Thibault. Une productrice m'engage pour Oscar qui partait en tournée avec Louis de Funès et Maria Pacôme : quatre mois de tournée, puis deux ans au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Ensuite, cette même productrice a monté une comédie musicale. Il y avait trois petits rôles avec Fernand et Jackie Sardou et je me suis retrouvée dans la production de « L'impasse de la fidélité » avec Patachou en vedette… Une comédie d'Alexandre Breffort, l'auteur d'Irma la douce... Début dans les rôles de petites bonnes délurées et de femmes de mauvaise vie.
Petits rôles dans lesquels Marie-Thérèse excelle, sa joie de vivre naturelle, son entrain font merveille, autant dans le public qu'auprès des collègues de scène. Ce sera toujours ainsi, une battante qui n'abdique jamais, un mauvais coup du sort ? Même pas mal, une chanson et ça repart.
La semaine prochaine;
Comment la chanson arriva dans la vie de Marie-Thérèse une deuxième fois...
03:12 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (1) | Tags : marie thérèse orain, cabarets rive gauche | | | Facebook | Imprimer | |