Comment la chanson arriva dans la vie de Marie-Thérèse une deuxième fois... (05/02/2015)

 

Rappel de l'épisode précédent : après un premier succès à 4 ans , car ses pareils à deux fois ne se font point connaître, et pour leurs coups d'essais veulent des coups de maître, mademoiselle Marie-Thérèse est partie à la conquête d'un art noble de la scène, le théâtre, Andromaque, Iphigénie, Jocaste, Pénélope, Phèdre, faut pas hésiter à viser au plus haut, cette légitime ambition n'aboutira pas exactement selon ses vœux...

 

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Dans un des tous premiers rôles qu'elle interprète, il y a une chanson, c'est la révélation, voilà ce qui la fait vibrer, être en scène, chanter, faire vivre des personnages dans un mini show de trois minutes, être l'interprète-metteur en scène-directeur d'acteur de ce qu'on a choisi... Se donner ses rôles, gugusse ou de tragédienne, tout est possible, mais comment ? Et alors, il arrive qu'un ange passe.

 

Acte 1 – Une répétition de spectacle musical, « L'impasse de la fidélité », d'Alexandre Breffort. Marie-Thérèse Orain, doublure de Patachou pour les réglages de chorégraphies est en scène avec les danseurs pour mémoriser les déplacements et les montrer à Lady Patachou quand elle arrivera pour finaliser. Un jour où Patachou est en gala et en retard, le metteur en scène dit à la doublure qui connaît le spectacle et les chansons : « on répète et tu chantes. » Patachou arrive sur ces entrefaites, reste au fond, écoute, puis monte sur la scène. En répétant les déplacements, elle lui glisse à l'oreille :
  • Mais dis donc, tu chantes ?
  • Mais non madame… non, non…
  • Mais si tu chantes !
  • Mais non madame, c'est juste pour répéter je ne suis pas chanteuse.
  • Tu n'as pas voulu me le dire devant les autres, mais tu es chanteuse…
  • Mais non, j'ai chanté en poussant les décors à Ozoir-la-Ferrière...
 

Patachou.jpgLa scène continue jusqu'à ce que Patachou lui dise : Chiche, trouve quelques chansons, et quand tu seras prête, viens bouffer à la maison. Il faut saluer cette générosité, car en général, la grande vedette n'apprécie pas l'arrivée d'une petite jeune plutôt accorte qui vient marcher sur ses plates-bandes.

Après avoir demandé à tous ses copains des chansons qui pourraient faire l'affaire, à Ricet-Barrier, puis un autre, puis un autre, Marie-Thérèse se présente chez Patachou en son hôtel particulier de Neuilly. Après le déjeuner, elle l'écoute en tête-à-tête, son mari ayant été invité à les laisser seules, et conclut :

- Oui, il faut continuer, mais tu n'as pas les bonnes chansons, je vois très bien ce qu'il te faut comme répertoire, le mien… je vais te donner des adresses.

La vie d'artiste de music-hall va commencer.

Patachou a été formidable, elle a été très présente et m'a bien épaulée. J'ai fait L'École de vedettes avec Guy Béart comme parrain, puis j’ai participé à des soirées qu'elle animait comme directrice artistique de la Tour Eiffel… c'était un répertoire de rigolade. Parfois un peu culotté quand même.

Et voici le temps des premiers cabarets.

Je suis allée auditionner chez Madame Lebrun, à l'Échelle de Jacob, à la suite d' une défection. Elle m'a dit : « Tu commences ce soir »… À cette époque, on s'entraidait beaucoup, dans les cabarets de la rive gauche, on se passait les adresses, on allait aux auditions ensemble…On partageait.

Debronckart.jpgC'est arrivé comme ça : un jour dans un cours de chant, chez Christiane Néré , une chanteuse style Piaf, et une prof formidable, j'y suis restée deux ans pendant Oscar, donc un bonhomme vient me voir à une audition publique, un directeur artistique de Pathé Marconi : « Je vais parler de vous à Madame Lebrun. » Puis il m'appelle pour s'excuser : « Le programme est complet », puis : « Madame Lebrun a un problème, vous passez à minuit, et ça vous servira d'audition. »

 En même temps, ça lui faisait un numéro gratuit… J'étais assez terrorisée. Il n'y avait qu'un couple d'amoureux, très occupés, la patronne a eu pitié de moi : elle a mis le garçon, la fille du vestiaire et le personnel devant moi pour faire un soutien… et ça lui a plu. Elle m'a gardée 7 mois et c'est là que j'ai rencontré Jacques Debronckart. Chaque soir, on faisait tous plusieurs cabarets, avec trois ou quatre chansons, certains étaient autonomes avec leur guitare, sinon il fallait s'adapter au pianiste du lieu. Et avec Jacques, ce fut le coup de foudre artistique. C'est aussi dans ce cabaret que j'ai rencontré Gribouille qui passait pour la première fois. C'était à l'automne 1962, on a partagé la seule loge, elle était mal à l'aise, moi, de mon enfance dans les hôtels de mes parents, j'ai toujours eu le contact facile, et je ne supportais pas de voir quelqu'un qui allait mal sans rien faire. Elle est devenue ma petite sœur, mais ça n'a pas toujours été facile …

 

Elle débute dans la chanson en 1961 à l'Échelle de Jacob, puis à l'École buissonnière, avec un répertoire plutôt humoristique. Elle passera dans tous les cabarets "rive gauche" (notamment à l'Écluse et à la Galerie 55 dès 1966), s'orientant peu à peu vers des tonalités plus graves. Saluée par la presse comme une des valeurs montantes de la chanson, on la compare tantôt à Marie Dubas, tantôt à Odette Laure. Une grande interprète, dont la carrière perdure quarante ans après ses débuts.

Gilles Schlesser, Le Cabaret "Rive gauche", éd. de l'Archipel, 2006.

 

Dans l'album qui sera disponible au printemps 2015, figureront des chansons inédites de Jacques Debronckart, écrites pour Marie-Thérèse Orain, et dans le coffret, ces chansons seront éditées en "petit format"  qu'on se le dise ! (renseignements ici : http://caminoverde.com/spectacles/marie-therese-orain.php)

 

La semaine prochaine:  Le joli temps des cabarets...

 

 

00:41 | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (2) | | |  Facebook |  Imprimer | | | |