Histoire d'une chanson: La vie en rose (07/10/2013)
Avant-propos : 11 octobre 1963, Edith Piaf tire le rideau. Cinquante ans après, une palanquée de livres tout neufs viennent raconter des bouts de sa vie. Plus les émissions de télé, dont certaines nous font le coup de la môme née sur le trottoir de Belleville, 20 ans après la découverte de sa naissance à l'hôpital Tenon. Il y a aussi un spécialiste qui nous apprend que c'est Edith qui décidé Montand à adopter la chemise et le pantalon noirs... Alors que Montand a raconté pas mal de fois comment il a choisi cette tenue marron foncé, à Marseille, avant de venir à Paris, où il tombe la veste, mais Piaf n'y est pour rien, il ne la connait pas encore. Dans tout ce fatras plus ou moins arrangé au gré de la fantaisie des auteurs, il y a un point qu'on pourrait souligner, les chansons naissent parfois dans la solitude de l'artiste, mais c'est souvent une naissance dans une sorte de bouillonnement collectif, La vie en rose en est un bon exemple.
La vie en rose, (Edith Piaf/Louiguy)
Comment nait une chanson ? Parfois dans une création collective, dont tous les participants ne sont pas crédités.
Pour « La vie en rose » autour d'Edith Piaf qui en est l'initiatrice et l'auteur à 80%, il faudrait signaler Robert Chauvigny, Marianne Michel, Henri Contet, peut-être Marguerite Monnot, et bien sûr Louiguy.
Il y a plusieurs versions qui racontent l'histoire de cette chanson, en recoupant, et reprenant la chronologie, des faits se dégagent, en 3 temps :
1- Piaf a eu une idée de mélodie, qu'elle a travaillée avec son chef d'orchestre, Robert Chauvigny, sur une ébauche de texte.
2 - Quelques temps après Marianne Michel lui demande de lui écrire une chanson. Piaf esquisse quelques phrases, en disant « la musique était écrite » et dans les mots qu'elle a griffonnés , il y a « Quand je vois les choses en rose » Marianne Michel lui suggère: « … la vie en rose »
3 - Ensuite Henri Contet lui fait remarquer que pour première phrase, ce n'est pas la bonne forme, il faut introduire la cause pour que la suite soit cohérente... La cause ? Quand il me prend dans ses bras... L'effet ? Je vois la vie en rose... Edith Piaf revoit donc son texte : « Quand il me prend dans ses bras ... »
La chanson est finie, mais n'étant pas agréée Sacem comme compositeur, il faut trouver quelqu'un pour signer la musique. Marguerite Monnot sollicitée en premier refuse cette niaiserie, un autre compositeur se défile, plusieurs peut-être, et c'est finalement Louiguy qui accepte plutôt contraint et forcé. A ce moment, il est un des compositeurs «mineurs» de Piaf. Ça infirme quelque peu la version qu'il donnera après la mort de Piaf, en précisant qu'ils avaient ébauché cette chanson quelques mois avant la date officielle de la rencontre avec Marianne Michel, et il indique une date: le baptême de sa fille. Mais dans ce cas, Piaf qui était réglo, lui aurait proposé la signature en premier, avant Marguerite Monnot... La version tardive de Louiguy semble s'être un peu arrangée avec les années... Il n'a jamais démenti la version d'Edith de son vivant.
Et dans le «monstre» qui a servi à travailler la mélodie, ça commençait par :
«Mais ce qu'on ne savait pas / c'est que monsieur Dumas/ était un hypocrite... » On est loin de la vie en rose..
En conclusion : « Il y a sans doute 3 parts de vérité. Celle de Louiguy : la musique et quelques paroles ont pu être ébauchés le jour du baptême de sa fille. Celle de Piaf : Marianne Michel l'aurait incitée à finir le texte. Celle de Contet : lors d'un premier jet, aucune chanson n'est jamais parfaite, et les retouches sont souvent une oeuvre collective. Pour le reste, aucune des trois parts de vérité n'enlève à Piaf la paternité ou la maternité de « La vie en rose », créée par Marianne Michel, puis reprise par son auteur. »
Extrait de « Piaf » par Pierre Duclos et Georges Martin, LE livre de référence.
Depuis sa création, 1950 versions de « La vie en rose » ont été enregistrées. Pour une niaiserie, c'est pas mal … Toutefois, Edith était plus ou moins d'accord avec Marguerite, puisqu'elle n'a pas créé la chanson. Elle l'a gravée plusieurs mois après Marianne Michel. Ensuite, Louis Armstrong, en 1950, puis Marlène Dietrich, Diane Dufresne, Montand, Ute Lemper, Iggy Pop, Emile Simon et quelques autres , voir ICI. https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Vie_en_rose
et la première version enregistrée par Marianne Michel
Dans tous les livres qui sortent pour ces 50 ans, il y a de tout, mais pour les passionnés de chanson, et uniquement de chanson, le meilleur c'est "Piaf" de Pierre Duclos et Georges Martin, et il est disponible en format poche.
Norbert Gabriel
01:32 | Lien permanent | Norbert Gabriel | Commentaires (8) | Tags : la vie en rose, edith piaf, marianne michel | | | Facebook | Imprimer | |
Commentaires
Merci pour l'histoire de la vie en rose " aux trois vérités", l'histoire d'une chanson se brode de légende en légende, comme les contes populaires, on les retrouvent partout sans savoir vraiment d'où ils viennent, s'étant transmis oralement, avec de multiples versions, à travers les siècles et le monde . Et cette chanson qui a fait le tour du monde, de fil en aiguille m'a fait réécouter une autre belle chanson de Louiguy et André Claveau que chantait ma mère " Cerisiers roses et pommiers blancs" ... Une autre belle "niaiserie" ...
Écrit par : Danièle Sala | 07/10/2013
Bien entendu, Edith piaf a chanté "la vie en rose" qui à présent ne fait plus qu'un avec elle mais je trouve qu'il est un peu injuste que personne ne précise que cette chanson a été créée par Marianne Michel, même pas Charles Aznavour qui était pourtant très amis avec cette dernière et profitait largement des réceptions qu'elle donnait dans son hôtel particulier. Il me semble qu'il serait honnête de sa part de parler un peut d'elle quand il participe à des rétrospectives sur Edith Piaf. Le seul que j'ai entendu donner ces précisions est Julien Le perse qui avait posé la question: qui a créé "la vie en rose". et comme je m'en doutais, tout le monde pensait que c'était Edith Piaf.....
Si je vous parle de tout cela avec certitude, c'est parce-que je suis la voisine de la fille de Marianne Michel et qu'elle m'a fait lire tous les articles de presse concernant les démêlés que sa mère a eu avec Edith Piaf. et aussi le procès qu'elle a du faire (et qu'elle a gagné) pour éviter que le film qu'on voulait faire sur cette dernière ne porte pas le titre de la chanson qu'elle avait créé.
Voila, je suis contente d'avoir remis un peu les choses à leur place. Merci de m'en avoir donné l'occasion.
Écrit par : Monney | 25/04/2014
C'est vrai que la mémoire des "témoins" est parfois oublieuse. Même Pessis qui se dit spécialiste de Piaf fait parfois des erreurs assez grossières.
Si la fille de Marianne Michel est d'accord, je ferais bien un article sur Marianne Michel..
Écrit par : norbert gabriel | 25/04/2014
J'ai connu Louiguy après la mort de Piaf à la fin des années 60.
C'était un homme très discret sur son oeuvre malgré le nombre
impressionnant de compositions qu'il avait à son actif. Ce n'étaitpas
un compositeur "mineur" d'Edith Piaf (e Vagabond, bravo pour le clown...et bien d'autres). Sacha Guitry lui donnait toutes ses musiques de film. J'ignore pourquoi il est complètement passé dans les oubliettes. Je sais qu'il s'était faché avec Piaf sans doute à cause de "La vie en Rose". Elle était la marraine de sa fille.
Je crois à la version qu'il a donné. D'ailleurs je ne vois pas pourquoi il aurait été si réticent pour signer la musique !...
Écrit par : REEB | 14/04/2015
Quand j'ai écrit "mineur" avec guillemets, ce n'est pas un jugement de valeur, mais parce que la première était surtout Marguerite Monnot. Et tous les témoignages recoupent le fait que personne ne voulait signer cette musique. Et tous les témoins sont aussi d'accord sur un point, Piaf était réglo avec ses partenaires de chanson. Elle avait refusé pas mal de chansons à Dumont, quand il est venu avec "Non rien de rien" elle avait annulé le RDV parce qu'elle était malade, mais le télégramme n'est pas arrivé chez Dumont. Elle l'a donc reçu, malgré tout, et on sait la suite.
La version de Louiguy m'étonne par le fait qu'elle arrive longtemps après la mort de Piaf, de Marguerite Monnot et du vivant de Piaf, il n'a jamais démenti ce qu'elle disait de la genèse de cette chanson..
Écrit par : Norbert Gabriel | 14/04/2015
Bien évidemment je ne peux rien certifier maais d'après Louiguy c'est à ce fameux baptème que l'ébauche du texte et de la mélodie ont vu le jour. Le fait qu'il donne cette version après le décès le tous les acteurs, si ce n'est pas exact, ne correspond pas à la personnalité qu'il avait. C'est tout ce que je voulais préciser. Je sais qu'entre eux il y avait eu un différent très important. Ce que je n'arrive pas à comprendre c'est pourquoi personne ne voulait signer la musique, cela ne pouvait que rapporter des droits d'auteur mème pour une "niaiserie" ?
Écrit par : REEB | 14/04/2015
Personne ne voulait parce que personne n'y croyait, l'un ou l'une a dit "je refuse de signer cette merde"... Dans un autre genre, personne ne croyait au succès du "Métèque" et "Les feuilles mortes" ont mis 4 ans avant de devenir un succès mondial.
Dans la tribu fluctuante de Piaf, c'était une sorte de remue méninges permanent, alors comment ça a commencé ... Ce qui est sûr en revanche, c'est que la musique est arrivée en premier, puisqu'avant les paroles connues, il y avait un "monstre" qui n'a rien à voir avec "la vie en rose".... ça commençait par "Mais ce qu'on ne savait pas, c'est que monsieur Dumas était un hypocrite..." ensuite Piaf a écrit "la vie en rose" que Raymond Asso lui a fait modifier en changeant un vers de place. (pour que la cause induise l'effet, je résume...)
Écrit par : Norbert Gabriel | 14/04/2015
D'accord, mais tout cela ne nous dit pas si c'est Louiguy qui a improvisé le premier au piano la mélodie de la chanson le jour du baptème de sa fille. En tout cas c'est ce qu'il prétendait. Piaf était réglo,c'est vrai, la preuve puisqu'il a signé la musique, mais
elle pouvait etre très dure et pas forcément objective lorsqu'elle n'aimait pas quelqu'un. Donc on ne saura jamais la vérité. En tout cas la vérité est que Piaf avait un talent immense et que 'La vie en rose" c'est elle pour l'éternité.
Écrit par : REEB | 15/04/2015